mardi 28 avril 2009

Finger in ze dust

Vous voyez que dalle sur la photo ci-contre ? Pas la peine de vous dés-orbiter les globes oculaires … C’est pas un pochoir ! Ici, on est sur le hayon arrière de ma bagnole où un graffeur s’est exprimé samedi soir alors que j’étais garé aux abords du Recyclart pour assister au concert de l’ensemble électro-ska-balkan Analogik. Très joli travail d’improvisation au doigt et sans filet sur une fine couche de poussière pollinisée (c’est de saison) à l’invitation / incitation / inspiration visiblement irrésistible pour DEVOR ONE, associé aux co-signatures FIGUE et 2047 (hors-champs). C’est spontané, c’est vivant, c’est beau, c’est urgent … C’est urbain. Et j’avais d’autant plus envie de vous le poster, ce graff de 45 cm2 avec son outline et sa 3D un peu pattée, impossible à photographier avec tous ces #/@*§ de reflets, qu’il représente une combinaison innovante de mobilité (parce qu’une bagnole, ça bouge plus vite qu’un mur) et d’éphémérité (parce que la poussière n’est que poussière) d'un bonheur que l’on souhaite aussi aux pochoirs. Et puis, pour un graffiti tracé dans la crasse d’une vitre qui roule, ce n’est pas l’eau qui tombe ou l’eau qui crache qui le menace le plus … Mais celle, glycérolée, d’un spritch - spritch ! Et c’est là que l’anecdote devient cocasse, et que l’éphémérité de l’audace talentueuse de DEVOR ONE devient « effet mérité », …
Figurez-vous en effet (comme FIGUE peut-être) que le moteur de mon essuie-glace arrière est kaput depuis quelques semaines ! Hasard ou nécessité, et cause - conséquence : en amont de l’acte, la couche de poussière était luxurieusement pristine (un comble pour de la crasse) et, en aval de l’acte, la persistance de l’œuvre en est prolongée jusqu’à l’infini (quasi). En hommage à l’artiste, j’ai - très malhabilement - décalqué le graffiti afin de vous le montrer dans son intégralité. Appréciez, comme moi, ce blaze ami. Jusqu’au prochain car-wash.

mercredi 1 avril 2009

Le vol et le recel, deux fléaux de notre temps ...

Il y a quelques semaines, The Dude Company nous faisait l’honneur d’une nouvelle visite à Bruxelles. Parmi les pochoirs réalisés par le collectif figurait cet impressionnant soubassophoniste (Damon Bryson ?) du groupe The Legendary Roots Crew (aka The Roots), tout en force et en souffle. Le pochoir a été appliqué sur un grand panneau en tôle rouillée au coin de la rue des Chartreux et de la rue du Boulet. Si vous l’avez raté, c’est râpé … Quelqu’un de plutôt costaud et gonflé a démonté le panneau (pourtant riveté balaise à un support grillagé) il y a quelques jours et l’a emporté. Nous avons demandé au boss de la Dude Company ce qu’il pensait de ce rapt : " L'art de rue doit rester dans la rue. En même temps, on ne peut empêcher ce genre de démarche qui, il faut le dire, est plutôt culottée ! Je trouve cette réaction décevante et serais plus heureux d'être contacté pour réaliser une oeuvre chez quelqu'un plutôt qu'on déshabille la ville. J'espère aussi que cela ne sera pas vendu à mon insu, ce qui serait encore plus navrant "
Evidence : plus les pochoirtistes deviennent reconnus et estimés pour leur œuvre publique, plus celle-ci prend de la valeur (mercantile) et est donc convoitée par des collectionneurs privés. Que certains de ces pochoirs se distinguent par leur beauté et/ou leur technicité exceptionnelle n’ajoute rien de bon à notre affaire. Fondamentalement, la question est donc de savoir si l’art de la rue, donné librement, peut être pris tout aussi librement ? L’appartenance d’un pochoir au pluriel (nous tous, préférable à personne) d’un pochoir peut-elle être accaparée au profit d’un singulier (lui seul) ? Les avis restent partagés (au lu des forums) mais une certaine morale - nourrie du respect de la générosité et du talent - devrait normalement prévaloir contre l’envie de recel … Et que le pochoir volé, celui du musicien de The Roots ou un autre, soit ensuite vendu ou non n’est que l’ajout malheureusement habituel de l’injure à l’insulte … Une fois la morale sociale bafouée, tout est permis. Ironiquement, le texte jaillissant du sousaphone (Resist Much, Obey Little) était peut-être une invitation à l’acte illégal au carré … A la rébellion du je-ne-peux-pas-pocher s’en est ensuite ensuit (hum) - en toute logique tordue - la rébellion du je-ne-peux-pas-piquer. Seule solution, alors, pour en finir avec ce vandalisme du vandalisme : que The Dude Company et ses collègues pocheurs arrêtent d’avoir tant de talent et que les supports urbains immobiles cessent d’être mobiles. Et tout rentrera enfin dans l’ordre. Merci d'avance.