lundi 28 mars 2011

Le crayon a bonne mine ...

Ils sont partout … Il faut vraiment le faire exprès pour ne pas les voir sur les murs et palissades de notre chère ville, capitale mondiale de l’Europe … Les crayons sont là et là et ici et là aussi. Ils sont en couleurs, droits ou couchés ou courbés … Parfois même décorés ou morphés. Mais s’il y a crayon, il doit y avoir crayonneur ! Alors … Qui est donc celui qui prend la bombe pour peindre la mine ? A l’heure où les autorités qui nous aiment et nous protègent repartent en croisade sanitaire contre les méchants graffeurs et taggeurs, l’Homme aux Crayons a accepté de répondre en exclusivité à nos questions entre muffin et café … C’était au Café de la Presse la semaine passée et pour vous, ici et maintenant, nous publions un petit bout de cette belle conversation :

Homme aux Crayons, à qui s’adresse ta démarche picturale ?

J’essaie de toucher ceux qui sont dans le milieu du graffiti. Tout les gens que je côtoie, les potes qui viennent avec moi en virée. Je comprends leur démarche, la démarche du graffiti, mais j’essaie de les motiver à changer … Ils font chaque fois les mêmes lettres et moi, je les encourage à y mettre un petit personnage, à changer l’expression. Comme eux, j’ai aussi un élément récurrent, le crayon, mais à chaque fois je fais quelque chose d’un peu différent. Je pars à chaque fois du crayon mais je le modifie, je m’amuse avec ça ! Donc, je cherche à les amener à se dire qu’eux aussi pourraient changer quelque chose tout en gardant un élément récurrent. J’aime aussi le fait que mon motif récurrent ne soit pas une lettre ou même quelque chose directement associé au graffiti. Maintenant, je n’ai pas vraiment de message directement adressé aux graffeurs, je ne leur dis pas « faites comme moi » !

Homme aux Crayons, que penses-tu des pochoirs ?

Je ne suis pas fort intéressé par les pochoirs … Ca ne me touche pas tant que ça parce que c’est trop simple ! Il y en a bien qui poussent la technique, qui essaient d’évoluer, c’est vrai, mais il y en a tellement qui ne la poussent pas … Ca m’énerve. J’ai envie de leur dire « allez, rajoutez des trucs ». Mais, bon, en même temps, pourquoi pas ? C’est mieux que rien. Ce côté simple, c’est aussi ce qui est marrant. Un pochoir, ca peut se mettre partout. C’est pas mal, finalement, mais c’est juste que je trouve qu’on pourrait aller un peu plus loin !

Café avalé, muffin englouti, il est temps de se tailler après cinquante minutes d’une fort intéressante entrevue dont d’autres passages seront d’ailleurs publiés ultérieurement … L’Homme aux Crayons n’est pas loquace mais son envie de faire bouger les choses dans le milieu du graffiti bruxellois est plus marquée qu’une esquisse vaguement crayonnée. Comme quoi une pointe en graphite peut faire la différence parmi les graphitis. Mais, par les temps policiers qui courent, attention aux cops … heu, aux copeaux !

Copyright : Interview et photographie par Serge-Louis pour Brigadier Plipp.

Et pour ceux et celles qui désirent voir plus d’œuvres de l’Homme aux Crayons, il y a un bloggeur bruxellois qui les répertorie sur www.philaretordre.blogspot.com !

dimanche 20 mars 2011

Malins Malais !

Il en est des expressions angliches qu’on aime bien et « double entendre » est l’une d’entre elles ... Prononcé « duhb-uh l ahn-tahn-druh » avec une patate chaude dans la bouche, le terme décrit un mot ou une phrase qui a une double signification, un double sens, souvent avec un peu d’ironie. Dommage que nos francophiles de service n’aient pas pensé à inventer l’équivalent visuel, soit « double voir » ... Nous en aurions eu bien besoin pour adhérer à ce pochoir d’inspiration western ! Deux flingues en symétrie orthogonale et un « La Loi ! » bref mais explicite, on aura pigé qu’on nous incite ici à réfléchir au respect de l’autorité (le sheriff, pan pan). Mais, bon, et le « double entendre » alors ? Patience ... Sachez d’abord que ce pochoir a été photographié sur un mur de Kuala Lumpur et qu’il représente - upside down - rien de moins que le symbole le plus visible et démonstratif de la démocratie locale, soit l’imposant immeuble du Parlement malais !

Ce bâtiment, illustré en version originale et polychrome ci-contre, a été inauguré en 1963 pour abriter les organes de la gouvernance du bon peuple malaisien ... Disposant d’un habille et avant-gardiste système de climatisation naturelle, dixit la brochure, le petit Dewan Negara et le grand Dewan Rakyat (invisitables sans autorisation préalable, faut pas rigoler avec la transparence de la démocratie, quand même) forment en effet, avec une drôlement pointue structure entre les deux, l’aimable contour d’un gun prêt à rendre justice. Canon, gâchette et crosse repris dans un rendu élégant et fidèle. Humour typiquement eastern, présumons-nous ... On ne sait d’ailleurs pas ce qu’est devenu le plaisantin architecte après ce gag de champion !? Alors, si « double voir » n’existe pas (encore), « voir double » a l’avantage, lui, de figurer dans notre dixionaire. On louche de tous nos yeux quand le pochoir est louche de tous ces signes. Hidup demokrasi !

Copyright : Texte et photographie du pochoir par Serge-Louis pour Brigadier Plipp. Photographie de l’immeuble ignominieusement piquée à un brave gars.