dimanche 5 février 2012

Marseille - Bruxelles en pochoir

Certains pochoiristes pochent à hauteur des yeux, d’autres pochoiristes pochent à hauteur des … poches. C’est le cas pour Alias Ipin qui oeuvra naguère sur la façade d’une belle maison-galerie de la rue Lebeau. Position basse au ras d'une rue qui serpente vers le tout aussi bas de Bruxelles. Comme l’artiste avait effrontément signé son dessin, nous l’avons facilement retrouvé grâce aux épatants moyens électroniques modernes. Trois questions, donc, à Alias Ipin :

Pourquoi le pochoir ?

Ma maman étant animatrice en arts plastiques, elle m'a trainé dans tous les ateliers qu'elle animait depuis que je suis tout petit. J'ai découvert le pochoir dans ces animations là mais c'est tellement loin que je ne saurais plus dire quand. Ensuite, j'ai commencé à peindre sur les murs en 1999 en tentant de faire des lettrages. Comme j'étais mauvais - ou "pas assez hip-hop" - j'ai cherché d'autres trucs à mettre dans mes lettres pour les valoriser. C'est comme ça que j'ai fait, je crois, mon premier pochoir mural … Maintenant que j'ai un peu plus de bouteille et d'expérience, j'utilise pas mal de techniques : pochoir, collage, extincteur, sérigraphie, canon à peinture et même du contre-plaqué collé sur un mur. Je suis toujours adepte du pochoir quand c'est nécessaire - c'est très pratique ! - mais pas en "puriste" si je puis dire. Je jongle entre les techniques en fonction des contraintes et des rendus que je souhaite obtenir. Mais c'est vrai que depuis quelques années, je les réutilise pas mal, notamment grâce à la sérigraphie. J'ai redécouvert qu'on peut vraiment faire plein de trucs avec une bombe, un bout de carton et un cutter !

Pourquoi à Bruxelles ?

Et bien, pour la petite anecdote, ce pochoir, je l’ai fait à Bruxelles le soir du 31 décembre 2010 avec ma femme et mon fils de 1 an à l'époque. Je me cachais derrière la poussette pour pocher dans la rue remplie de gens. Un super trip ! Je ne suis pas repassé à Bruxelles depuis mais j'adore cette ville, une Marseille du Nord avec votre esprit belge que j'adore. En "lisant" les murs, j'ai eu le sentiment d'une ville ouverte et assez libertaire.

Et puis ailleurs ?

Après dix ans à Marseille, j'y travaille encore très souvent mais j'habite maintenant dans une petite ville à côté de Toulon. J'ai toujours habité en province et les villes comme Paris ou Londres sont trop grandes pour moi, trop dur de s’y créer des repères. J'aime m'y perdre mais je reste toujours perdu. Je pense qu'il y a des talents partout et je suis souvent navré de constater le monopole culturel de ces grands centres. Si tu n'y es pas, tu n'existes pas … Dans le street art comme dans le reste. Grâce à internet, j'ai le sentiment que ça a quand même un peu changé. J'imagine que le geste d'une personne qui n'a pas trop d'influence sera plus pur … Mais il reste à savoir s'il passera à l'acte ? En même temps, la stimulation que l'on peut avoir en voyant ses semblables sur les murs, tire vers le haut. Si je ne trompe pas, Banksy n'a pas commencé à pocher à Londres, non ? Par contre, c'est là-bas que ses toiles sont vendues aux enchères !

L’artiste Alias Ipin, dont l’œuvre polytechnique contient beaucoup d’oiseaux et un peu de marteaux, reviendra peut-être à Bruxelles – en tout cas nous l’y invitons chaleureusement (c’est ça l’hospitalité des gens du Nord) ! En attendant, vous pouvez visiter son site à aliasipin.com et son blog à aliasipin.blogspot.com ! Et nous on va continuer à se balader dans Bruxelles les yeux pas dans les poches …

Copyright : Interview et photographie par Serge Louis pour le Brigadier Plipp.