Le lightgraffeur Nuno Matox était de passage à Bruxelles la semaine passée à l’occasion du vernissage de l’exposition Artaq à la galerie Art22. Né en 1971 au Portugal et pas encore mort, l’artiste expérimente depuis plusieurs années avec les technologies visuelles modernes. Son objectif : trouver une manière de prolonger dans l'immatériel les signes picturaux qui l’ont tant impressionné lors de ses déambulations dans les ruelles du Bairro Alto de Lisbonne et du Barrio Gotico de Barcelone ... Si la propriété des murs et les altérations occasionnées par l’expression urbaine sur ceux-ci donnent lieu à d’éternelles (et vaines) discussions, l’air et la lumière sont et restent libres d’accès et d’usage. Nuno Matox revendique donc l’appropriation sans règle ni limite de ces non-matières pour nous façonner des gestes et des signes virtuels dont l’imprégnation sensorielle charme jusqu’à l’hypnotisme. Trois questions, vite fait, à Nuno Matox :
Comment es-tu arrivé au Lightgraffisme ?
Le graffiti est un terme général assez passe-partout ... Pour ma part, ce sont surtout ses techniques et ses effets que j'utilise comme le spray, les marqueurs et les coulures. L'art urbain, l'art de la rue, m'a beaucoup intrigué et inspiré. C'est à Toulouse, quand j'étais étudiant au début des années 90 que tout a commencé. C'est à cette époque aussi que les gens ont commencé à avoir un autre regard sur le graffiti. Le graffiti était très présent à l'époque dans le centre-ville. Pour moi, la bombe de peinture a surtout commencé à libérer le geste de peindre et la possibilité de travailler n'importe quelle surface ... Par extension, le lightpainting a - quant à lui - complètement libéré ce geste, lui permettant de s'inscrire vraiment partout, même dans l'espace tri-dimensionnel !
Et comme lorsque l'on utilise une bombe de peinture pour la première fois, le lighpainting est lui aussi une expérience très spectaculaire, voire grisante !
Comment se prépare une performance de Lightgraff ?
Ca peut être vraiment très simple ... Ou vraiment très compliqué ! Cela va en effet de l’improvisation faite avec juste une opportunité, quelques LEDs et un petit boîtier, jusqu'à une véritable mise en scène et un montage technique élaboré. Et lorsque c'est de la video live, c'est généralement encore plus compliqué, surtout du point de vue du matériel ... Après, ça dépend aussi des projets, qui peuvent aller du simple délire d’artiste à la campagne de publicité d'envergure. En pratique, je trouve que la performance live est beaucoup plus tributaire de la technique requise et du matériel disponible.
Que penses-tu de Bruxelles et de son art urbain ?
J'étais déjà venu plusieurs fois à Bruxelles auparavant. Cette fois-ci, j’espérais pouvoir y organiser des "micro-projections" dans le centre-ville mais mon emploi du temps ne me l'a pas permis. J'espère revenir, bien sûr, car Bruxelles est le centre de l'Europe, une ville ouverte et moderne. Les jeux qu’y font la lumière dans les rues et sur les grandes tours sont très présents. Pour le street art, par contre, je n'ai pas vu grand chose car je suis resté confiné dans le centre pendant ce court séjour et, malheureusement, tous les centres des grandes villes sont devenus hyper-cleans et hyper-vidéosurveillés ! Il ne reste donc que la pollution publicitaire parfois « limite », mais imposée et légale, à regarder.
Pour Nuno Matox, les artistes urbains doivent donc être en permanence à la recherche de nouveaux moyens d’expression et s’adapter aux changements de conditions et de circonstances de la pratique de leur art. Comme le conclut le Lightgraffiste : « Les panneaux de LEDs sont les prochains terrains de jeux de tous les graphistes et artistes ! ». Face aux joyeuses obsessions hygiénistes de nos adorables édiles, la créativité et l’inventivité des artistes urbains sont donc sollicitées tant pour le sujet que pour l’objet ... Nous remercions Nuno Matox pour sa contribution « lumineuse » à ce combat et nous souhaitons son retour très bientôt dans les rues de la Capitale mondiale de l’Europe afin de l'y voir enfin performer ses « micro-projections ».
Pour en savoir plus sur l’artiste : www.matox .fr et contact@matox.fr
Copyright : Illustration par Nuno Matox et interview par Serge-Louis pour Brigadier PLIPP.