Vous voyez l’espèce de rosace centrée sur l’œil de l’oiseau poché par le collectif Peripheral Media Projects sur cette palissade de la rue Saint-Ghislain ? Mais si, regardez bien … On dirait un enjoliveur de bagnole ou le motif d’un vitrail circulaire. Allleeeez, vous l’avez sur le bout de la langue … C’est …. Hé ben oui, mais c’est bien sûr … C’est un panopticon ! Oncle Wiki vous en rappelle la définition, au cas douteux et malheureux où vous l’auriez oubliée : le panopticon est un modèle architectural de prison conçu en 1785 par le philosophe anglais Jeremy Bentham (comme quoi, la philosophie mène à tout). Le principe du panopticon est simple : permettre au moins possible de « uns » de surveiller le plus possible de « tous les autres ». Copain Jeremy a en fait piqué l’idée à son frère Samuel qui a établi les plans d’une école militaire à Paris selon le même schéma. Dans un entretien exclusif réalisé tout récemment dans leur atelier de Brooklyn (NYC, USA) pour ce blog, un des membres du collectif PMP, nous parle de l’œil poché (!) : « The observed is always under the impression of being observed but doesn’t see the observer … The system enables you to watch more than thousand prisoners at once but they don’t even know if you are in your post ! It’s all about how to create a maximally efficient prison and guard system, how to optimize the system ». Parce que le « système » auquel notre pochoiriste fait allusion n’est évidemment pas restreint au monde scolaire (élèves / pion) ou pénitentiaire (plus besoin de faire un dessin). On le retrouve aussi dans certaines réflexions de dispositions hospitalières (patients / soignant), dans des plans de construction d’usines (ouvriers / contre-maître) et, ultimement, dans l’ensemble de notre environnement sociétal. Il revient au philosophe (décidément !) français Michel Foucault (1926 - 1984) d’avoir été le premier à analyser - dans son célèbre livre « Surveiller et Punir » publié en 1975 - cette fâcheuse tendance panoptique de notre société moderne obsédée jusqu’à la moëlle par la surveillance et la normalisation. Ecoutes téléphoniques, caméras en circuit fermé et autres monitorages internautiques n’ont fait qu’amplifier la pertinence de la métaphore panopticiste au cours des dernières années. D'ailleurs, même cette palissade en planches de bois a des yeux (qui ne sont pas de PMP) qui nous regardent ... Bref, nous sommes tous des prisonniers !
Le collectif PMP enfonce d’ailleurs le clou avec un second pochoir, beaucoup plus direct et peint rue du Miroir : « For all prisoners, … Everywhere ». Mais dans une pirouette intellectuelle que seuls les artistes de grand talent sont capables d’exécuter, le collectif nous précise lors de notre rencontre que, à la prison (du corps), il est toujours possible d’opposer la liberté (d’esprit) : « Our stencils are strong enough as stand-alone that other people who may not know it's a pantopticon can see other contents and be happy with it … They are not missing-out on anything, it’s not to their disadvantage … The idea is to get people to think but not what they should think. Telling people what to think is not respectful ! ». Alors, ami lecteur, amie lectrice, vois et imagines ce que tu veux, envoles - toi libre comme l’oiseau.
samedi 23 mai 2009
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1 commentaire:
Bravo ! encore un article intelligent qui ouvre les yeux
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