Le saccage de Bruxelles par ses édiles ne date pas d’hier ... Un bon exemple est le voûtement de la Senne ordonnée par le bourgmestre Jules Anspach au milieu du 19ième siècle. Expropriation massive, abusive et spéculative de maisons habitées par une population ouvrière sans défense, absence de procédure d’adjudication des travaux, détournement de fonds et surtout ... perte irrémédiable de ce qui justifie et anime souvent la vie d’une ville, sa rivière. Mais le voûtement de la Senne n’était finalement que le second arrêt de mort de la belle sacrifiée. En effet, la décision prise au milieu du 16ième siècle de creuser un canal au travers de Bruxelles pour y faire transiter la navigation des bateaux avait déjà privé la rivière d’une bonne partie de sa raison d’être économique ... Le long du canal s’installèrent usines, entrepôts et autres édifices au centre d’un réseau de voies ferroviaires dont le site de transbordement des marchandises Tour & Taxis (parce que construit dans les premières années du 20ième siècle sur une propriété de la famille autrichienne Thurn und Taxis) devint un des points de convergence. Adieu l’eau aux flots doux et romantiques, place aux péniches chargées de caisses et de barriques.
Fast-forward, maintenant - par-dessus les tristes aléas des cycles industriels qui endormirent la zone - vers le siècle présent ... S’appuyant sur la superbe restauration et réaffectation du site de Tour & Taxis (allez, les pouvoirs publics et privés sont capables des meilleures choses quand ils le veulent bien), une toute nouvelle impulsion est en train de s’épanouir le long du morne canal. Le festival multi-culturel Couleur Café y a déjà vécu plusieurs éditions passionnantes et l’avenue du Port - qui longe le site - commence à aligner les lieux musicaux et festifs comme autant de perles sur un collier. Au n° 1 se trouve la grande bâtisse du K-Nal dans lequel sont organisées les soirées Anarchic, Fight Klub et (depuis ce samedi soir) Libertine / Supersport. C’est au N° 51 que réside le nouveau Magasin 4 et le N° 71 accueille le nouveau Bulex ! Si l’on suit l’avenue du Port vers le centre-ville, sur les quais aux Charbonnages - en différents endroits de l’ancien site des brasseries Bellevue - on peut y trouver des lieux d’occupations temporaires (Hêbê, Catclub, Auquai) aux programmations variées. Alors, si la musique est bonne, les pochoirs ne vont pas tarder ! Bel exemple pionnier : cet extraordinaire oeuvre de Shine (ci-contre) apposée sur le mur d’un hangar de l’avenue du Port. Dans un interview récent et exclusif pour ce blog, l’artiste nous explique : « Dans toute ma nouvelle série, il y a de très grandes tailles. C’est un nouveau chapitre que j’ouvre par rapport à mes préoccupations. J’étais assez sur les nerfs alors je me suis permis d’expérimenter le pessimisme ... Une fois que j’aurai fait le tour de mon délire, je ne sais pas ce que je garderai. Il y a des fois où je me sens obligé de théoriser, comme le Frankenstein. Bruxelles est pleine de symboles et j’ai moi aussi mes signes, mon iconographie. C’est mon culte à moi. Alors mettre Frankenstein sans rien, ça ne marche pas. Je crois en des symboles qui nous disent que nous subissons les choses ». Entre clapotis des eaux noires du canal et vagues rythmiques des festivités nocturnes, les symboles de Bruxelles ressurgissent comme autant de polysémies ... Dansons et pochons le long du canal qui ne dort plus.
samedi 10 octobre 2009
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire