jeudi 30 septembre 2010

Pédale now, Taxe later ...

Après avoir joyeusement massacré Bruxelles à coup de viaducs temporairement permanents et de pénétrations rapidement autoroutières, les autorités qui nous aiment et nous protègent font volte-face. « Voitures méchantes, vélos et pieds gentils », telle est le nouvel edict ! Et, comme le plan Iris2 le décrète à notre place (vous avez aussi remarqué que tout vient toujours d’en-haut !?), dans quelques années, 20 % des déplacements (mécanisés) dans la capitale mondiale de l’Europe devront se faire en pédalant ... Aidés en cela par la mise en location de 2.500 vélos publicitaires à 30 € l’abonnement annuel. Ou avec sa propre bécane pour les plus possessifs. Un vélo pliable customisé par l’atelier UNIK BIKES étant devenu récemment le nouvel assistant de votre serviteur, nous avons profité de la livraison de l’élégante machine pour poser quelques questions à Berny (Bernard Prestat), mécano-artiste de talent et co-fondateur de l’atelier ... L’interview est illustré par un très efficace pochoir anonyme photographié dans Cheshire Street à Londres en avril 2010.

Cher Berny, on assiste actuellement à un engouement général pour le vélo ... Quels en sont, selon toi, les facteurs majeurs ?

Les facteurs de développement de la mobilité douce sont multiples. Je pense qu'une prise de conscience écologique s'opère chez certains tandis que d'autres y trouvent une alternative économique à la voiture ou aux transports en commun... Je crois aussi que la multiplication des pistes cyclables combinée au développement du Villo à Bruxelles font évoluer les mentalités dans le bon sens... A cela, on peut ajouter le prix de l'essence devenu rédhibitoire, le développement fulgurant d'une nouvelle espèce de vélos dits "urbains" ainsi que l'avènement du vélo à assistance électrique.

Cet engouement va-t-il se traduire par la location de vélos "publics" ou par l'achat de vélos "privés" ?

Les deux ! Je crois que le vélo "public" est un bon vecteur de développement pour le vélo "personnel" ! En effet, les gens apprécient le Villo pour ce qu'il est, c’est-à-dire un moyen de transport économique permettant de se rendre d'un point à un autre plus vite qu'à pied ... Mais le poids et le look standardisé de ces vélos empêchent une réelle appropriation par l'usager... C'est là que le marché du vélo personnel prend tout son sens, soit proposer des alternatives à cette mono-culture avec des modèles plus originaux, plus légers et équipés en fonction des besoins spécifiques de chaque cycliste.

UNIK BIKES s'est positionné en avant-garde dans la fabrication de vélos customisés mais d'autres ateliers s'ouvrent aussi à Bruxelles ... Bonne ou mauvaise nouvelle ?

Et bien, je pense que la concurrence est un excellent moyen de se dépasser et d'aller plus loin dans notre démarche. Cela va créer une saine émulation entre les différents ateliers et au final, seuls les plus sérieux resteront ... C’est la dure loi du marché ! Avec UNIK BIKES, nous avons simplement senti une tendance un peu avant les autres à Bruxelles mais la personnalisation de son vélo est déjà entrée depuis longtemps dans les moeurs des anglais, américains, suédois et autres hollandais. Maintenant, notre défi est de convaincre les cyclistes de dépenser leur budget dans une restauration ou une personnalisation plutôt que dans l'achat d'un vélo neuf relativement impersonnel !

Merci, très cher Berny, pour ces commentaires façonnés au contact des vélocipédistes bruxellois les plus exigeants ... Nous, ce qui nous chiffonne un peu, à vrai dire, c’est la question de savoir si les autorités qui nous aiment et nous protègent vont nous laisser encore longtemps pédaler gratuitement !? Après tout, moins de taxes d’immatriculation automobile, moins d’accises perçues sur la vente de carburant, moins de piécettes dans les horodateurs, etc ... Tout cela n’est pas bon pour les caisses publiques, n’est-ce pas !? Alors, à quand le retour de la plaque de vélo - aux formes coloriées et variées - que nous avons connue en Belgique de 1893 à 1991 ? Personne n’y a encore pensé ? Vraiment ?

Information : Berny peut être contacté à bernydesign@gmail.com ou via le site www.unikbikes.be

Copyright : Photographie et interview par Serge-Louis pour Brigadier PLIPP.

jeudi 16 septembre 2010

Colore et Colle

La contrainte est connue : mon vélo ne freine que pour les pochoirs ! Mais cette règle ne serait règle s’il n’y avait des exceptions. Parmi les oeuvres non-pochiques qui ornent éphémèrement les murs de la capitale mondiale de l’Europe, il est un drôle de bestiaire dont les formes zoomorphiques et les camouflages flamboyants attirent mon oeil aussi sûrement que ma main sur la poignée de mon frein hydraulique. Les bestioles sont signées Oli-B, un jeune ( du moins si vous lisez ce post endéans les cent prochaines années) graphiste bruxellois. Nous avons interpellé l’imagiste de cette animalerie mutante en trois questions. Voici ses réponses :

Ton travail professionnel te permet déjà d’exprimer et de diffuser ta créativité. Pourquoi y ajouter une activité illégale de collage en rue ?

La ville et ses rues ont toujours constitué un terrain de jeu pour moi. Le fait d’avoir un travail professionnel créatif ne m’enlève pas l’envie d’explorer la ville et d’y diffuser mon art. J’ai un réel besoin d‘investir des lieux publics ... J’ai toujours aimé le faire et le collage est aujourd’hui la solution que je préfère pour rendre mes peintures vivantes et visibles aux yeux de tous. Je me sens très bien dans les grandes villes et j’aime l’activité, la foule ... Cela me permet d’exister !

Tu n’as pas un peu la pépette quand tu pars comme ça en tournée collage ?

Le street art comporte toujours un degré de risque vis-à-vis de la loi ... Mais mon optique est – en toute modestie – de diffuser mon travail tout en revalorisant certains espaces urbains. L’idée, c’est de coller mes affiches sur des surfaces « mortes », c’est-à-dire des maisons abandonnées, des palissades en bois et autres supports qui ne « méritent » normalement pas que le regard des gens s’y arrête ! De cette manière, je ne considère pas mon travail comme du vandalisme ou de la dégradation ... Je reçois d’ailleurs un accueil chaleureux des gens qui m’observent lorsque je colle mes affiches. Cela me permet de partir en virée l’esprit plus tranquille. Je préfère d’ailleurs investir les rues en journée car cela renvoit moins à une activité illégale dans l’esprit des gens ... Et des autorités !

Ton travail est très coloré et attirant ... Que penses-tu apporter ainsi à la ville et à ses occupants ?

Mes peintures reflètent mes humeurs, des émotions passées ou à venir. Mais même si je sais ce que j’y jette personnellement, j’aime aussi brouiller les pistes et donc ne livrer aucun message politique ou social précis à celui qui regarde mes collages. Mes peintures sont avant tout une échappatoire qui me permet de m’évader. J’aime stimuler l’imagination du spectateur ... Mes personnages deviennent alors un peu abstraits. Les affiches deviennent vivantes dans la ville. Elles n’apportent finalement rien d’autre que ce que le regard y trouve. J’utilise d’ailleurs beaucoup les couleurs parce que je souhaite que leur « rendu » soit immédiatement accessible, c’est-à-dire ni violent ni glauque.

Bon, bon ... Fort bien tout ça. Nous, on ne va pas se plaindre qu'un artiste talentueux et bien intentionné vienne ainsi disperser ses créatures colorées sur les murs "honteux" de Bruxelles. Il en faudrait peut-être bien plus, des gens comme Oli-B, pour réparer les déjà nombreux et encore croissants dégâts visuels portés par d'autres à notre ville en toute ... légalité !

Copyright : Interview et photographie par Serge-Louis pour Brigadier Plipp. Collage d’Oli-B sur la porte d’un immeuble abandonné de la rue Keyenveld.

mercredi 8 septembre 2010

Y'a plus qu'à sprayer !

Dans le monde immense de l'art urbain, les auteurs de livres rivalisent avec les auteurs de graffitis dans un perpétuel et mutuel tournoi inventif dont nous, les appréciateurs ultimes, bénéficions évidemment. Ainsi dans la catégorie "pochoirs" vient de sortir un ouvrage (ref. 1) à la fois fort beau et bien utile ... "The Street Art Stencil Book" rassemble en effet des gabarits originaux et pré-découpés de vingt pochoiristes en vogue ! Les p'tits gars de ON.Studio à Londres ont eu l'additionnelle idée d'y joindre quelques superbes textes et illustrations pour en faire un ensemble particulièrement informatif et instructif. Certes, le concept n'est pas hyper-hyper-neuf-neuf, avouons-le, puisque Ed Roth a produit naguère un bouquin fort proche (ref. 2) qui regroupait aussi des pochoirs street art pré-découpés ... Mais, bon, ici nous nous retrouvons pendant nonante pages complètement en immersion artistique avec des Aiko, BToy, C215, D*Face et M-City ! Nous avons demandé à un des auteurs de "TSASB", en la personne d'Oliver (Olly) Walker, de nous expliquer - en exclusivité pour vous et en dialecte d'outre-manche - le contexte et le sens de leur valeureuse initiative livresque :

Was it easy to convince these twenty worldwide famous artists to contribute original stencils to your book ?

In fact, yes ! Once we had explained to them the idea behind the book, they were all very enthusiastic about it and backed the idea 100 %. The way they looked at this was : The art is not exclusive, it is inclusive ... And by giving people the tools, they can then spread the word and become part of the art.

Is there a difference between a stencil painted by its author him/herself and the same stencil painted by someone else ?

Well, actually, everytime you use a stencil, the outcome will be different ... No matter who sprays it ! There is art in designing and cutting a stencil and art in how and where it is sprayed up. As long as people don't claim someone's else stencil to be their own, it is OK. Don't forget that the original artist can't be everywhere in the world but his disciples can !

Any second thought about the fact that the templates in your book were cut using a laser whereas most artists cut their own stencils by hand ?

Hand cutting or laser cutting was discussed with many of the artists. Some artists indeed develop a very distinctive hand when cutting a stencil ... But some others already use laser technology ! It is a personal choice. In our case we had no other alternative than to laser them. There is no right or wrong, better or worse.

Fort bien, fort bien, tout ça ... Et merci, cher Oliver, pour ces explications simples et sympas ! Tout aussi sympa est le fait que, parcourant les infinis couloirs de notre bibliothèque vouée à l'art urbain, nous avons trouvé le compagnon parfait de "TSASB" : Le livre de Sherwood Forlee (ref. 3) ... Soit une jolie collection de photographies de murs immaculés et prêts à être "graffés, taggés, gribouillés" et donc aussi ... pochés ! Finalement, il ne manque plus qu'un livre sur les bombes de peinture pour que la sainte trilogie wall + stencil + spray soit intégralement disponible en version papier !!!

Références :
1. The Street Art Stencil Book curated by ON.Studio (Oliver Walker et Nigel Roberts), 2010, Laurence Publishing (London).
2. Stencil 101 by Ed Roth, 2008, Chronicle Books (San Francisco).
3. Walls by Sherwood Forlee, 2009, Quirk Books (Philadelphia).

Copyright : Interview et photographie par Serge-Louis pour Brigadier PLIPP.

mercredi 1 septembre 2010

Pimp my Zine

Dans le vaste et immense monde des périodiques imprimés, il y en a des petits, des épais, des grands, des fins, ceux en papier glossy, ceux en papier chiotte, ceux qu’on jette aussitôt et ceux qu’on garde méticuleusement, ceux qui appartiennent à des méchantes multi-nationales et ceux qui font indie un peu canaille cra-cra, ceux qu’on lit par habitude et puis ceux dont on attend chaque parution avec un brin d’impatience, d’inquiétude, d’angoisse, voire de peur-panique (parce que, hein, et si c’était le dernier pour toujours, le précédent ?) ... Parmi les magazines consacrés à l’art urbain, il y a un peu de tout ça aussi ... Mais il y a aussi le tout bonnement émouvant Very Nearly Almost (aka VNA) ! Nous avons demandé à George Macdonald, son créateur et éditeur, de nous en parler dans sa mother tongue native :

What is the added value of a print version over a digital format nowadays ?

I am a collector ... I collect things ! I don’t collect websites, digital images or PDF zines ! I like physical zines, magazines and books and so does everyone who works on VNA. It is a real piece of history and one day, when the internet melts down, you will all be happy you bought a copy of VNA ! Plus, independent publishing is dying out so quickly, so we should all be supporting small independent publishers ... It is important, you know.

Why have you been through various print formats and retail prices since 2006 ?

Well, when I first released issue 1 of VNA in september 2006, it was a black and white zine and it was free. The response was amazing and so, by issue 3, I got some printed and began to sell them in shops and galleries. Back then it was £ 2.00. So when I added some colour pages, the printing cost went up and so I started to charge £ 3.00 and then £ 3.50 when we got it printed on some nice paper from issue 7 onwards. Then, by issue 10, we increased the size to a little under A4 and had to up the price again. It has nothing to do with making money ... Because VNA doesn’t make money ! It is strictly to cover the printing costs.

What do you know about your readership ?

Our readership is pretty broad. Sure, people who are into street art and graffiti are into the magazine ... But now we are introducing more illustration, fine art, design, etc ... We are really reaching out to new readers and introducing them to street art and graffiti. I got lots of e-mails saying that VNA is inspiring to them and these people work in TV, music and advertising ... It is a great feeling to be inspiring people with our magazine.

How do you see stencils as a street art form versus graffs, tags and others ?

Stencils are just another way of getting up. I love the way a stencil can be really intricate and blow someone’s mind with various layers and colours ... But a single colour, simple stencil placed in a good spot can have just the same effect, if not bigger ! It is all about ideas and some people can portray ideas and style in a tag, paste-up or sticker ... Others chose stencils. Obviously, people like Banksy and Blek le Rat have spawned a lot of imitators, which is both good and bad ... But it is the idea that counts. I am impressed by people that have the balls to put their work up on the street in any way, shape or form. I am no art critic so we put in all types of street art in the magazine because it is up to the readers to judge whether they like it or not ...

Dans VNA, il y a des photos et des interviews d’artistes déjà famous et d’autres encore newcomers. Dans VNA, il y a surtout beaucoup d’amour et de passion pur-jus ! Nous n’avons pas demandé à George l’origine du nom qu’il a donné à son zine (heu, on aurait dû ?) mais entre nos mains, sous nos yeux et dans nos coeurs, une chose est sûre : avec son look and feel un peu néo-luddite borderline ultra-low tech (comme le street art, finalement), VNA ... C’est Vraiment Notre Ami !

VNA a aussi son site (aaah, quand même ... !) à www.verynearlyalmost.com (hééé, on échappe au co.uk ... !) et vous y apprendrez que le prochain numéro a du Roa dedans.

Copyright : Interview et photographie par Serge-Louis pour Brigadier Plipp.