vendredi 31 octobre 2008
M'dame, j'dois aller au p'tit coin !
Jackson Pollock, les jeunes lecteurs connaissent ? Oui … Non ? Bon, je résume. Pollock est un peintre américain né en 1912 et mort en se crashant connement en bagnole, complètement bourré, en 1956. Entre les deux dates, notre artiste a, disons, inventé le drip painting qui consiste à charger de la peinture sur un pinceau (brosse, bâton …) et puis se balader au-dessus d’une grande toile posée à plat sur le sol et laisser couler / gouter la peinture dessus. Résultat : plic plic plic et des millions de dollars. Mais ce qui nous intéresse ici à propos de Pollock, c’est l’hypothèse de l’urination … Selon laquelle l’idée de faire du dipping lui serait venue enfant soit (on a le choix) en voyant son père LeRoy pisser sur un rocher, soit en pissant lui-même avec son frère Charles dans la neige ! Comme quoi faire pipi peut être une expérience particulièrement inspirante … D’ailleurs, regardez-le, notre ami ci-contre, donner libre cours à son talent artistique en nous pissant un magnifique « Bush » à la sueur de ses reins. Quelle œuvre magistrale - visible sur un boîtier technique de l’Esplanade de l’Europe devant la gare du Midi - en l’honneur d’un des plus mieux meilleurs présidents des Etats-Unis, quelle virtuosité de la quèquète en homm … Comment ? Vous dites ? Il pisse SUR Bush ? Naaann, come on, qui oserait avoir une idée aussi saugrenue … Dans une ville dont la mascotte est un p’tit gamin (manneken) qui fait pipi partout, j’imagine assez mal que la créativité urinaire puisse être déviée vers de telles funestes expressions. A noter d'ailleurs que ma collection comporte déjà quatre pochoirs bruxellois dont l’urine est un élément primordial. Et puisque nous parlons de créativité, savez-vous que l’urine est riche en métabolites de la créatine, une substance qui facilite l’apport d’énergie à nos muscles, à notre cerveau et à nos (enfin, pour ceux qui en ont) testicules ? Prendre de la créatine en forte dose a en tout cas un effet stimulant prouvé sur le quotient intellectuel … Alors, devrions-nous shooter nos pochoiristes à la créatine pour les booster à produire de beaux pochoirs ? En attendant, je vous invite à faire votre propre Pollock sur jacksonpollock.org et à m’envoyer le résultat de vos élaborations cérébro-urinesques.
samedi 25 octobre 2008
Le fric, c'est chic ...
Avec un revenu fiscal moyen d’environ 15.000 euros par habitant, la commune bruxelloise d’Uccle ne crie pas vraiment misère. Quoi de plus approprié, dès lors, que d’y trouver des pochoirs doucement anti-riches. Un de ceux-ci s’affiche actuellement sur une cabine de la drève de Lorraine, chaussée bien connue pour les quelques énormes propriétés qui la jalonnent. « Ici, le verbe avoir a remplacé le verbe être » … Une façon subtile de rappeler que chez les riches, l’acquisition et la possession priment sur l’émotion et la relation. Et dans un marché mondial du luxe chiffré à 212 milliards d’euros en 2007 (dont 65 milliards pour l’Europe), les riches ne sont pas prêts d’arrêter de se définir d’abord par le prix de leur bagnole (bateau, avion) et de leur baraque (à la mer, à la montagne, sur mars). Chez les bourgeoises (épouses ou maitresses), avoir les seins refaits, le nez refait, les pommettes refaites, les lèvres refaites est dorénavant bien plus valorisant que d’être jolie … Ainsi pour se fixer les idées, en 2007, le marché de la chirurgie esthétique représentait 620 millions d’euros pour la seule Angleterre. Que dire alors de l’art contemporain - summum absolu de l’avoir absurdiste - lorsque l’on voit Damien Hirst en septembre dernier vendre pour 120 millions d’euros de ses œuvres en deux jours ? Prix d’un veau plongé dans un aquarium de formaldéhyde : 13 millions d’euros ! Mais la crise économique, me direz-vous, pourrait-elle contribuer à ré-humaniser nos âmes étourdies par le brillant des bagouzes et le satiné des étoffes ? Oui, peut-être … Les spécialistes admettent en tout cas que le taux de croissance annuel du marché du luxe pourrait bientôt fléchir vers les 2% - venant de 6,5% en 2007 (oh, mon dieu, Georges-Albert, quelle horreur ! Qu’allons-nous devenir ?). Voilà qui laisserait un peu d’argent sur la table, et de temps libre de tout shopping, pour redécouvrir quelques valeurs fondamentales. Comme le partage et la solidarité, par exemple … Dans l’attente que nos riches passent du revenu au rêve nu, prêtons un œil attentif aux messages stencilés de nos courageux robins-des-bois urbains.
Ceci n'est pas un coq wallon
Dans son expression graphique, la culture hip-hop est prioritairement associée aux tags et aux graffs, techniques les plus efficaces pour « laisser sa marque » sur les murs et palissades des villes. Dans la jungle des éclats de traits et des jets de couleurs hip-hop, le pochoir a difficile à tenir et garder sa place … Il n’est pas dans le rythme, il ne véhicule pas les mêmes fonctions d’appartenance et d’affirmation (ou en tout cas pas avec la même violence). Sa finesse souvent monochromatique n’est pas faite pour résister longtemps - et encore moins s’imposer - face aux débordements agressifs des autres formes de street art. On peut presque parler d’exclusion mutuelle, dès lors qu’à la coexistence murale difficile entre tags et graffs d’une part et pochoirs de l’autre, s’ajoute l’aveu de certains pochoiristes d’être réticents à la probabilité de se frotter aux artistes hip-hop dans l’obscurité de la nuit urbaine. Ne soyons cependant pas trop radical … Le célèbre pochoiriste Banksy, par exemple, est nettement impliqué dans le mouvement hip-hop londonien. Il est donc intéressant d’observer que lorsque la collection de vêtements Phoenix Wear décida de « promouvoir sa marque » dans les rues des grandes villes européennes, le pochoir fut embrigadé dans les troupes de l’opération de street marketing … Le logo stencilé de Phoenix Wear se retrouve ainsi à plusieurs endroits de Bruxelles, dans la rue de l’Athénée près de l’Eglise Saint-Boniface dans le cas de l’illustration ci-contre. Créée à Bruxelles en 2000 par Arke et Zao, l’un travaillant dans le textile et l’autre dans le graphisme, la marque Phoenix Wear a gagné sa visibilité dans le milieu hip-hop grâce à ses visuels très forts et, surtout, par son état de révolution stylistique permanente. Dommage que ce dynamisme ne se retrouve pas avec la même intensité dans le coq wallon, légèrement plus lent à renaître de ses cendres minières et sidérurgiques … Mais ça, c’est un autre discours, n’est-ce pas. Alors, en attendant, hip-hopons avec nos amis et vive la révolution !
dimanche 19 octobre 2008
Le point-de-vue d'une chaise
Le pochoir érotique est un ustensile, généralement en plastic ou en carton, que les artisans de l’épilation et du rasage utilisent pour donner une forme particulière (en cœur, ticket de métro, flèche, etc) à une coquine toison pubienne. Ce n’est probablement pas ce type de pochoir érotique que Monzon avait en tête (ou ailleurs) en se la jouant « Manara » sur une façade de la rue Saint-Gery … La belle du pochoir, jambes tendues jusqu’aux orteils, figée dans un arc de plaisir absolu, semble en tout cas – et en toute impudeur – apprécier les moultes joies de la vie. Heureuse chaise, dès lors, que celle qui a l’honneur mobilier d’être complice d’un tel abandon exhibitionniste … D’autant plus que, pour manifester à sa façon son soutien à la cause pochoiriste, ce n’est pas un simple gode que notre demoiselle accueille dans son joli cul … mais une bombe de peinture ! Comme quoi, la bombe sexuelle n’est pas toujours celle que l’on croit … Qu’en est-il au niveau des contraintes anatomiques, me demanderez-vous ? Renseignements pris, la dilatation naturelle d’un anus relaxé et entraîné à la sodomie oscille entre 6 et 8 cm. Le diamètre d’une bombe aérosol étant de 6,5 cm (gamme MTN), c’est de toute évidence vers la délicate limite entre jouissance et souffrance que cette intrusion bombastique emmène la donzelle. Plus sérieusement, le pochoir de Monzon engage deux observations : d’une part, l’illustration contraste avec la moyenne des thèmes graphiques que l’on peut voir sur les murs bruxellois (ici, l’image est plus forte et radicale que le message … elle est le message) et d’autre part l’illustration renvoie directement à une case de bande dessinée extrêmement bien ancrée dans la mémoire collective (la série « Le Déclic » de Milo Manara, relatant les aventures de la ravissante mais coincée Claudia Cristiani). Coup double et de maître pour Monzon … avec l'aide accessoire d’une humble et muette chaise qui n'en pense pas moins.
lundi 13 octobre 2008
Tragique destin
La première fois que j’ai vu ce portrait, c’était sur un poster en papier collé assez haut sur un mur de l’étroit passage de la rue du Nom de Jésus entre le quai aux Briques et la rue de Flandres. Nous étions le 1er août 2008. J’ai été immédiatement charmé par l’émouvante beauté de ce visage, d’une grande douceur un peu triste. J’ignorais alors que ce portrait appartenait à une morte … Adrienne (Levine) Shelly fut en effet retrouvée assassinée le 1er novembre 2006 dans son appartement de Manhattan, alors qu’elle venait d’avoir 40 ans. Actrice, scénariste et réalisatrice, Adrienne comptait quelques beaux mérites cinématographiques à son actif (The Unbelievable Truth en 1989, Trust en 1990, Searching for Debra Winger en 2002, et enfin Factotum en 2005). Son meutrier, Diego Pillco, agé de 19 ans au moment des faits, avoua laconiquement à la police qu’il était de mauvaise humeur en ce jour de Toussaint. Il déclara avoir étranglé Adrienne au cours d’une dispute à propos du fait qu’il faisait trop de bruit en travaillant dans l’appartement situé en-dessous de celui de l’actrice … puis se ravisa et reconnu l’avoir tuée alors qu’elle l’avait surpris en flagrant délit de vol dans son propre appartement. Dans les deux versions, il tenta misérablement de maquiller le meurtre en suicide par pendaison mais laissa trop d’indices sur la scène du crime pour berner les enquêteurs. Adrienne était mariée à Andrew Ostroy et avait une petite fille, Sophie, alors agée de deux ans. Diego fut condamné à 25 ans de prison ferme. En hommage à Adrienne, un épisode de la série télévisée Law & Order (« Melting Pot » diffusé le 16 février 2007 sur NBC) s’inspira largement de cette tragédie. Le pochoir représenté ici se trouve sur un mur bordant un petit terrain-vague de la rue du Faucon dans les Marolles. L’image est identique à celle du poster déjà fort endommagé du quartier Sainte-Catherine et est l’œuvre de Spencer, un des pochoiristes les plus doués de Bruxelles. Merci à toi, Spencer, pour avoir utilisé ton talent afin de rendre la douce Adrienne immortelle sur nos murs … et dans nos coeurs !
dimanche 12 octobre 2008
Félix comme standard
En théorie, la technique du pochoir permet de reproduire à l’identique et à l’infini un motif, une image ou un texte. En pratique, il en va tout autrement … La nature et la texture du support, les inclinaisons accidentelles ou voulues, les bavures et coulées dues à l’urgence ainsi que l’usure du temps et du vent font que chaque « même » pochoir est différent. La question est de savoir si l’aléatoire et la variation s’additionnent - ou au contraire s’opposent - à la volonté de l’artiste de reproduire son message et son passage ?
A cette question en fait aussitôt écho une autre : tous les pochoiristes utilisent-ils cette technique pour se multiplier vite-et-bien dans l’environnement urbain (comme les taggeurs qui désirent laisser leur empreinte visible dans le plus grand nombre d‘endroits possibles) ou est-ce que certains d’entre eux utilisent ce medium simplement parce qu’il leur plait ou convient mieux (parce qu’il permet de préparer l’œuvre à la maison, notamment) ? Dans tous les cas, les variations pochoiresques ne peuvent être négligées dans la contemplation et l’interprétation d’une oeuvre.
Comme exemple, nous prendrons Félix le Chat, dont on trouve aujourd’hui de multiples reproductions aux alentours du centre hospitalier Saint-Pierre (boulevard de Waterloo pour des versions sur brique en béton et sur volet métallique et rue de la Rasière pour des versions sur revêtement en ciment et sur brique jaune). Ce n’est pas un choix livré au hasard … Conçu par Pat Sullivan en 1919 et ensuite développé par Otto Messmer, notre ami félin fut en effet la première image à être diffusée par la télévision - par la station W2XBC pour être précis - en 1929 !
Sous la forme d’une figurine en papier-maché disposée sur le plateau d’un tourne-disque, Felix servait alors de référence aux techniciens de RCA pour le calibrage et le contrôle de la qualité de l’image retransmise. Ce rôle, crucial s’il en est, fut assuré par notre brave Félix pendant une dizaine d’années ! Presque 80 ans plus tard, en ce merveilleux et ensoleillé dimanche d'octobre, il nous sert maintenant de standard pour démontrer la fluctuation imageante des pochoirs d'un emplacement à l'autre. A l'auteur de ce Félix le Chat sifflotant et déambulant de nous dire si ces variations sont voulues ou non, importantes ou non, ou s'il s'en tape complètement.
A cette question en fait aussitôt écho une autre : tous les pochoiristes utilisent-ils cette technique pour se multiplier vite-et-bien dans l’environnement urbain (comme les taggeurs qui désirent laisser leur empreinte visible dans le plus grand nombre d‘endroits possibles) ou est-ce que certains d’entre eux utilisent ce medium simplement parce qu’il leur plait ou convient mieux (parce qu’il permet de préparer l’œuvre à la maison, notamment) ? Dans tous les cas, les variations pochoiresques ne peuvent être négligées dans la contemplation et l’interprétation d’une oeuvre.
Comme exemple, nous prendrons Félix le Chat, dont on trouve aujourd’hui de multiples reproductions aux alentours du centre hospitalier Saint-Pierre (boulevard de Waterloo pour des versions sur brique en béton et sur volet métallique et rue de la Rasière pour des versions sur revêtement en ciment et sur brique jaune). Ce n’est pas un choix livré au hasard … Conçu par Pat Sullivan en 1919 et ensuite développé par Otto Messmer, notre ami félin fut en effet la première image à être diffusée par la télévision - par la station W2XBC pour être précis - en 1929 !
Sous la forme d’une figurine en papier-maché disposée sur le plateau d’un tourne-disque, Felix servait alors de référence aux techniciens de RCA pour le calibrage et le contrôle de la qualité de l’image retransmise. Ce rôle, crucial s’il en est, fut assuré par notre brave Félix pendant une dizaine d’années ! Presque 80 ans plus tard, en ce merveilleux et ensoleillé dimanche d'octobre, il nous sert maintenant de standard pour démontrer la fluctuation imageante des pochoirs d'un emplacement à l'autre. A l'auteur de ce Félix le Chat sifflotant et déambulant de nous dire si ces variations sont voulues ou non, importantes ou non, ou s'il s'en tape complètement.
samedi 4 octobre 2008
Framed !
Sapristi ! Un zozo nous a encadré miss LadyHawke ! Le travail, exécuté au tape, est bien fait ... avec un soin certain ... mais pas sans conséquence. Ce faisant, notre ami nous confronte en effet (intentionnellement ?) à une question majeure : l'importance - ou non - du contexte situationel dans lequel se produit l'application, l'expression puis l'interprétation d'un pochoir. Cette question, à vrai-dire, je me la pose chaque fois que je photographie un pochoir : cadrage serré sur le sujet ou fenêtre généreuse sur le pourtour ? Notre zozo, lui, ne nous laisse plus le choix ! Profitant d'une autorité usurpée mais décisive, il sépare le dedans du dehors de l'image. Il fixe ce qu'il faut voir - et donc sa valeur - par rapport à l'inutile. Gommant par la même occasion, et ça, c'est très con, le pèpette joliment galbé de notre poulette. Bref, telle la croix au sol marquant le meilleur endroit d'où prendre la photo d'un point-de-vue sur un site touristique américain, le gaillard nous dépossède de notre libre arbitre et insinue une transaction mercantile (sinon, pourquoi ?) sous prétexte d'une valeur ajoutée ... que personne ne lui a demandée. L'oeuvre en est-elle affaiblie ou, au contraire, renforcée ? Peut-être revient-il ici au pochoiriste de répondre. En attendant, fredonnons ensemble avec notre regretté Pierre Peret : "ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux, regardez-les s'envoler, c'est beau".
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