samedi 6 juin 2009

Le filosofe des graphittis

Le philosophe est l’exprimeur d’une pensée supérieure et profonde. Muni de l’outil de la raison vraie et du mode d’emploi de la distance intellectuelle, il monte donc en bas, chose que nous, simples mortels, n’avons jamais réussi à faire. Et quand le philosophe s’énonce, l’attente est grande, l’espoir est proportionnel et le temps est suspendu. Plus un bruit d’argenterie ou de machouillage dans la salle à manger. Jean C. Baudet, né en 1944 et pas encore mort, est un tel savant-penseur. Spécialiste de l’analyse des discours scientifiques, poétiques, religieux et idéologiques (ben mon vieux …), il aime nous faire partager sa passion du savoir. Alors, quand il écrit un billet dans le quotidien financier et économique L’Echo (pas de panique, les kids, c’est une feuille de chou pour les adultes … Vous pouvez rester collés à vos Tsugi, Standard et autres Pif Gadget), moi, je lis attentivement. Le week-end passé (celui de son anniversaire, d’ailleurs), il nous allait d’une petite réflexion ironique et spirituelle sur ce que notre société interdit (alors qu’elle - selon lui - devrait l’autoriser) et autorise (alors qu’elle devrait - selon lui - l’interdire). Extrait de l’œuvre articulaire : « La post-modernité a ouvert toutes grandes les autoroutes de la nouvelle jouissance, et nous pouvons, c’est même très tendance, (…) salir des façades entières par des slogans et des dessins, appeler cela de l’art urbain ». Bon bon, me dis-je … Pour une fois qu’une lumière éclairée se prononce sur les « graffitis », c’est plutôt mal barré. Contacté par e-mail (j’oublie toujours si couriel prend deux ou trois R), notre ami confirme sous le titre vraiment très fin « Tac aux tags » : « Je n'ignore pas que les tags sont interdits (…) mais le fait est qu'ils me paraissent n'être guère punis, puisque je les vois "fleurir" de plus en plus, à Bruxelles et ailleurs. Ce qui en outre me donne à penser, c'est que j'entends certains discours où l'on voudrait nous faire croire qu'il s'agit d'une manifestation artistique qu'il conviendrait de protéger, voire même d'encourager. La société doit trouver les moyens de lutter contre cette altération systématique du patrimoine public ou privé ». Je vous passe sa suggestion un fifrelin too much d’étudier la psychopathologie du tagueur (ouaip, pas moins ! Appel aux candidats thésards en profilage criminologique). On attendait un avis inspiré et original, une clairvoyance chère et chérie (parce que rare et précieuse), une interprétation aérée et libératrice - qui sent bon le frais, au-dessus de la mêlée viciée - et on se retrouve face aux amalgames simplistiques, plats, bornés et répressifs à vous donner envie d’en chiâler. Parce que, voyez-vous, les adultes qui lisent L’Echo sont des parents, des politiciens, des professeurs, des décideurs déjà peu naturellement portés sur la gaudriole (le balai dans le cul étant un trait génétique de la bourgeoisie et de l'élite) … L’émotion artistique et esthétique urbaine n’est pas vraiment spontanée chez eux. Alors si même le philosophe de service leur dit que tous ces trucs de d’jeunzs, c’est pas bien, ben, purée, on n’est pas sorti de l’auberge. Mais bon, notre ami Jean C. n’est certainement pas un mauvais bougre, ceci dit. Alors, comme cadeau pour son anniversaire, je vous propose de lui offrir son portrait au pochoir (oui, L’Echo est imprimé sur du papier couleur saumon (parce que sur du papier couleur caviar, les textes seraient illisibles ! (mmmh, vaudrait peut-être mieux ?))). Il a bien une tête de filosofe ! Concluons en espérant que son prochain article aura comme titre : « du tact aux tags » … On en rit déjà. Ou faut-il plutôt préparer la boîte de mouchoirs ?

Aucun commentaire: