dimanche 21 juin 2009

Modèle d'auto-régulation

L’art du graffiti est gratuit mais le contre-art de son buffage est payant. Les obsédés de la sanitation urbaine nous le rappelle volontiers, en oubliant - oups - de nous demander d’abord notre avis sur l’utilité et la légitimité de l’opération hygiénique. Mais, « payant » ça veut dire combien, au juste ? Grâce à des algorithmes ultra-sophistiqués et hyper-secrets, nous avons estimé que le nettoyage des graffitis à Bruxelles coûte environ 4,6 euros par habitant par an lorsqu’on considère l’ensemble des commanditaires, soit les autorités publiques, les sociétés de transports en commun et quelques propriétaires privés … Cher ? Pas cher ?

En tout cas, la dépense bruxelloise apparaît un peu supérieure à celle de Los Angeles (3,4 euros), Chicago (2,7), Las Vegas (2,2), Houston (2,0) et New York (0,7) pris ici à titre d’exemples. Le coût salarial de nos contre-artistes explique certainement - mais peut-être seulement en partie - la différence entre Bruxelles et nos références américaines puisque le poste « personnel » justifie environ 80 % de la note de frais. Entre les villes américaines, par ailleurs, la fréquence des actes muraux ainsi que l’assiduité de leur réplique savonneuse et décapante contribuent clairement aux fluctuations budgétaires. Enfin, la démographie de New York est tellement extravagante (en densité numérique et en rangement vertical) que le prix du nettoyage par citadin en devient quasi insignifiant.

Alors, de retour chez nous, comment amoindrir cette douloureuse et intolérable imputation financière de 4,6 euros par an ? Une solution nous est suggérée par l’étonnant montage photographié rue de la Vanne et illustré ci-contre. On y voit trois préposés à la propreté urbaine, magnifiquement tracés au pochoir multi-couche, s’attaquer gaillardement à l’effaçage d’un beau flop de Color. Le street art nettoyant le street art, voilà une perspective en boucle très prometteuse (on reste entre amis) qui sent bon et peut rapporter gros. En effet, si la plupart des sociétés bruxelloises spécialisées dans l’anti-graffiti ne déposent pas leurs comptes annuels à la banque nationale des bilans (il en est ainsi pour Anti-Graffiti-P+, Graffiti Service, Doctorskin, Sepagraff et Clear Pression), l’examen des résultats de SOS Graffiti révèle un chiffre d’affaire de 134.000 euros en 2008 avec un bénéfice final de 20.000 euros … Soit un joli petit budget à réinvestir presto dans des cutters, des cartons et des bombes ! Aurions-nous enfin trouvé le modèle économique durable du pochoir ?

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