dimanche 27 décembre 2009
C'eeest la luuutte finaaale ... (sur un air connu)
Les poubelles et les pochoirs de Bruxelles ont en commun d’être visés par le même Plan de Lutte contre les Incivilités en matière de Propreté Publique (PLIPP en court). Objectif du plan : Combattre les actes inciviques de salissure et de nuisance afin de rendre la ville plus belle pour ses habitants. Ainsi, une poubelle sortie sur le trottoir en dehors des heures réglementaires est punissable d’une taxe d’incivilité de 50 € par sac et d’une amende administrative de 75 à 150 € tandis qu’un graffiti apposé sans permission est susceptible d’une taxe de 150 € par dessin et d’une amende de 250 €. Curieusement, le fait d’exproprier ces mêmes habitants et de laisser pourrir leurs maisons à des fins de spéculation immobilière n’entre pas dans le champ (de bataille) de cette action courageuse, citadine et citoyenne. Curieusement aussi, le fait que « certains » habitants, occupants ou passants puissent trouver que « certains » tags, graffitis ou pochoirs embellissent la ville n’a pas été pris en compte par nos édiles radicalo-hygiénistes. Mais revenons à nos poubelles ... La ville en produit environ 463.000 tonnes par an dont 75% en ordures ménagères et 12% en papiers-cartons. La probabilité de trouver un pochoir parmi ces poubelles est faible mais pas nul ... Il y a quelques mois, en effet, en me promenant Chaussée de Vleurgat, j’ai eu l’étrange émoi d’apercevoir deux pochoirs perchés au-dessus d’un amas de sacs d’ordures ! Une analyse scientifique approfondie révéla que ces deux pochoirs avaient été dessinés sur des feuilles blanches au format 27 x 36 cm et ensuite collés et plastifiés sur une grande farde de 51 x 33 cm, elle-même assemblée à partir d’un carton de récupération. Les deux personnages représentés ainsi en un couplage plutôt inattendu étaient un chérubin vu de face (à gauche) et un individu vu de dos (à droite). Ma tentative d’identifier l’auteur des pochoirs en glissant un message dans les boîtes aux lettres des maisons adjacentes fut vaine. Ma tentative de comprendre ensuite l’association signifiante de ces deux pochoirs en recherchant des banques d’images fut tout aussi vaine. Mais une chose est sûre, cependant : La chasse aux pochoirs dans les rues de Bruxelles, qu’elle soit sportive ou répressive, exige l’oeil vif et la réaction prompte ! Puissent les agents du PLIPP - en planque pendant de longues heures sous d’habiles camouflages dans l’effort d’une prise en flagrant délit de poubelle ou de graffiti - apprendre à préférer la performance athlétique au réflexe punitif !
samedi 19 décembre 2009
Ceci n'est pas un Banksy.
Comme le disait si justement notre défunt ami Charles Caleb Colton (1780 - 1832) : « L’imitation est la plus sincère forme de flatterie ». L’homme, grand collectionneur d’art (l’histoire ne dit pas s’il possédait des pochoirs) un peu margoulin sur les bords y aurait certainement été de sa petite citation s’il s’était promené dans Bruxelles en notre époque et avait noté la présence sur les murs de la ville de pochoirs fort inspirés de Banksy. Les rats pochés rue de la Cigale et rue du Concours sont en effet des copies - un peu approximatives mais quand même - d’oeuvres du Maître bristolien (1974 ou 1975 - heureusement pas encore mort). Belle reconnaissance d’un pochoiriste par un autre pochoiriste ... Mais qui pose au passage l’intéressante question du droit d’auteur quand il s’agit d’art urbain illégal et anonyme ... Banksy, qui cultive l’invisibilité comme d’autres les salades et les patates, pourrait-il en effet revendiquer des dommages et intérêts à son flatteur ?
Comme le rappelle un ami avocat spécialisé dans ce genre de situations : « En vertu de la loi du 30 juin 1994, seul l’auteur d’une oeuvre littéraire ou artistique a le droit de la reproduire ou d’en autoriser la reproduction ». Et de compléter son avis avec la mise en garde suivante : « Dans l’hypothèse où le pochoiriste reproduit une oeuvre sur laquelle il ne détient pas les droits, la reproduction illicite pourrait constituer une atteinte au droit patrimonial de l’auteur initial mais également une atteinte à son droit moral dans la mesure où la reproduction constituera certainement une déformation de l’oeuvre originale ». Dans le cas de Banksy, nous savons que son propos picturesque est - délivré dans un emballage souvent humoristique borderline poétique - franchement politique et polémique (anti-capitaliste, anti-militariste). Comme nous ne savons pas si le flatteur est animé du même sens moraloïde, il y a bien danger de déformation. Ceci étant dit, contrairement à de vils marchands qui commercialisent sans vergogne des reproductions non autorisées de pochoirs de Banksy, la confraternité et surtout l’absence de lucre apparent dans le chef de notre flatteur devraient d’autant adoucir la pénalité si sentence devait être appliquée. Et tant que nous y sommes à flirter avec la justice, pourquoi ne pas auto-dénoncer le titre de ce billet qui rappelle sans ambiguité aucune la célèbre phrase peinte par un autre Maître, belge cette fois, René Magritte (1898 - 1967), dans le tableau « La Trahison des Images », en l’occurrence : « Ceci n’est pas une pipe » ? Il nous est d’avis que si Magritte et Banksy s’étaient rencontrés, ils se seraient bien plus, tant leurs rapports respectifs avec la réalité et ses représentations offrent des similitudes pour le moins surréalistes. Au fait, savez-vous d’ailleurs que Magritte s’est essayé au pochoir ? D’après le génial pionnier du pochoir bruxellois qu’est Metalic Avau (1945 - toujours alive and kicking), on en distingue l’évidence dans un tableau intitulé « Le Barbare » datant de 1927 ou 1928. Le tableau représentait Fantomas poché à l’encre de chine sur un mur de briques. L’oeuvre de Magritte a malheureusement été détruite lors d’un bombardement sur Londres pendant la guerre de 40 ... Comme quoi, les ponts entre Belgique et Angleterre sont redondants dans l'histoire fascinante des pochoirs.
Comme le rappelle un ami avocat spécialisé dans ce genre de situations : « En vertu de la loi du 30 juin 1994, seul l’auteur d’une oeuvre littéraire ou artistique a le droit de la reproduire ou d’en autoriser la reproduction ». Et de compléter son avis avec la mise en garde suivante : « Dans l’hypothèse où le pochoiriste reproduit une oeuvre sur laquelle il ne détient pas les droits, la reproduction illicite pourrait constituer une atteinte au droit patrimonial de l’auteur initial mais également une atteinte à son droit moral dans la mesure où la reproduction constituera certainement une déformation de l’oeuvre originale ». Dans le cas de Banksy, nous savons que son propos picturesque est - délivré dans un emballage souvent humoristique borderline poétique - franchement politique et polémique (anti-capitaliste, anti-militariste). Comme nous ne savons pas si le flatteur est animé du même sens moraloïde, il y a bien danger de déformation. Ceci étant dit, contrairement à de vils marchands qui commercialisent sans vergogne des reproductions non autorisées de pochoirs de Banksy, la confraternité et surtout l’absence de lucre apparent dans le chef de notre flatteur devraient d’autant adoucir la pénalité si sentence devait être appliquée. Et tant que nous y sommes à flirter avec la justice, pourquoi ne pas auto-dénoncer le titre de ce billet qui rappelle sans ambiguité aucune la célèbre phrase peinte par un autre Maître, belge cette fois, René Magritte (1898 - 1967), dans le tableau « La Trahison des Images », en l’occurrence : « Ceci n’est pas une pipe » ? Il nous est d’avis que si Magritte et Banksy s’étaient rencontrés, ils se seraient bien plus, tant leurs rapports respectifs avec la réalité et ses représentations offrent des similitudes pour le moins surréalistes. Au fait, savez-vous d’ailleurs que Magritte s’est essayé au pochoir ? D’après le génial pionnier du pochoir bruxellois qu’est Metalic Avau (1945 - toujours alive and kicking), on en distingue l’évidence dans un tableau intitulé « Le Barbare » datant de 1927 ou 1928. Le tableau représentait Fantomas poché à l’encre de chine sur un mur de briques. L’oeuvre de Magritte a malheureusement été détruite lors d’un bombardement sur Londres pendant la guerre de 40 ... Comme quoi, les ponts entre Belgique et Angleterre sont redondants dans l'histoire fascinante des pochoirs.
dimanche 18 octobre 2009
Froidure et coulure
Avec l’automne, les pochoiristes retrouvent progressivement la perspective de belles nuits sombres et longues, celles qui sont propices aux plus productives virées street-artistiques. Bonne nouvelle mais aussi mauvaise nouvelle : ça caille. En route vers l’hiver, déjà, les supports se refroidissent, l’air se glace et les nébuleuses de spray décident de se figer, suspendues quelque part entre bombe et gabarit ... Les visages se crispent sous les bonnets, les doigts se crampent dans leurs mitaines. La peinture bave, rate, boulette ou coule. Patatra. Le coup - dur et direct - peut arriver à chacun ... Mais il faut sans doute l’aplomb de l’expérience et la témérité de l’engagement pour sur-le-champ retomber sur ses, hum, caps. VGT, célèbre pochoiriste de Bruxelles, accepte en exclusivité pour ce blog de nous parler d’un bien fâcheux incident survenu lors d’un pochage « Cramps » dans la rue de la Gouttière. Nous dit l’artiste : « Il faisait très froid cette nuit-là et j’utilisais une bombe fluo. Je voulais faire un fluo comme ça, pour voir ce que ça donnait ... Parce que le fluo, ça va bien avec le groupe. Mais la peinture a lamentablement coulé ! le fluo ne s’est pas solidifié à cause du froid. Alors, j’ai rapidement repassé au noir, vite parce qu’il y avait des regards suspects. Je ne pouvais pas laisser un pochoir aussi raté là ! C’était une mesure d’urgence. Puis j’ai remis de l’orange dessus parce que c’était la seule couleur que j’avais. En même temps, j’ai pensé que l’orange et le noir ça pouvait être assez bien pour l’ambiance du pochoir ». Beau rétablissement, bravo ! Seule une inspection très méticuleuse du site permet de suspecter qu’une catastrophe picturale a bien failli survenir ici ... L’indice est dans le coin supérieur droit où un peu de fluo du premier bombage a échappé au noircissement hâtif.
Le danger d’une bavure est toujours présent, surtout dans les conditions extrêmes et nocturnes dans lesquelles opèrent généralement les pochoiristes. Même si une partie significative du travail, le dessin et le découpage du gabarit, est préparée avant de prendre la rue, tant de choses peuvent encore se passer entre bombe et mur ... VGT ajoute d’ailleurs : « Parfois j’ai peur que ça coule, mais ça ne m’est arrivé que deux fois ». Au moment d’enfiler leurs épais anoraks, les pochoiristes savent que l’épreuve les guette à chaque instant, à chaque mouvement. Et pourtant, nuit après nuit, génération après génération, ils s’enfuient avec bombes et gabarits dans la pénombre brumeuse pour donner vie à nos murs austères ... et froids.
Le danger d’une bavure est toujours présent, surtout dans les conditions extrêmes et nocturnes dans lesquelles opèrent généralement les pochoiristes. Même si une partie significative du travail, le dessin et le découpage du gabarit, est préparée avant de prendre la rue, tant de choses peuvent encore se passer entre bombe et mur ... VGT ajoute d’ailleurs : « Parfois j’ai peur que ça coule, mais ça ne m’est arrivé que deux fois ». Au moment d’enfiler leurs épais anoraks, les pochoiristes savent que l’épreuve les guette à chaque instant, à chaque mouvement. Et pourtant, nuit après nuit, génération après génération, ils s’enfuient avec bombes et gabarits dans la pénombre brumeuse pour donner vie à nos murs austères ... et froids.
samedi 10 octobre 2009
Le canal ne dort plus !
Le saccage de Bruxelles par ses édiles ne date pas d’hier ... Un bon exemple est le voûtement de la Senne ordonnée par le bourgmestre Jules Anspach au milieu du 19ième siècle. Expropriation massive, abusive et spéculative de maisons habitées par une population ouvrière sans défense, absence de procédure d’adjudication des travaux, détournement de fonds et surtout ... perte irrémédiable de ce qui justifie et anime souvent la vie d’une ville, sa rivière. Mais le voûtement de la Senne n’était finalement que le second arrêt de mort de la belle sacrifiée. En effet, la décision prise au milieu du 16ième siècle de creuser un canal au travers de Bruxelles pour y faire transiter la navigation des bateaux avait déjà privé la rivière d’une bonne partie de sa raison d’être économique ... Le long du canal s’installèrent usines, entrepôts et autres édifices au centre d’un réseau de voies ferroviaires dont le site de transbordement des marchandises Tour & Taxis (parce que construit dans les premières années du 20ième siècle sur une propriété de la famille autrichienne Thurn und Taxis) devint un des points de convergence. Adieu l’eau aux flots doux et romantiques, place aux péniches chargées de caisses et de barriques.
Fast-forward, maintenant - par-dessus les tristes aléas des cycles industriels qui endormirent la zone - vers le siècle présent ... S’appuyant sur la superbe restauration et réaffectation du site de Tour & Taxis (allez, les pouvoirs publics et privés sont capables des meilleures choses quand ils le veulent bien), une toute nouvelle impulsion est en train de s’épanouir le long du morne canal. Le festival multi-culturel Couleur Café y a déjà vécu plusieurs éditions passionnantes et l’avenue du Port - qui longe le site - commence à aligner les lieux musicaux et festifs comme autant de perles sur un collier. Au n° 1 se trouve la grande bâtisse du K-Nal dans lequel sont organisées les soirées Anarchic, Fight Klub et (depuis ce samedi soir) Libertine / Supersport. C’est au N° 51 que réside le nouveau Magasin 4 et le N° 71 accueille le nouveau Bulex ! Si l’on suit l’avenue du Port vers le centre-ville, sur les quais aux Charbonnages - en différents endroits de l’ancien site des brasseries Bellevue - on peut y trouver des lieux d’occupations temporaires (Hêbê, Catclub, Auquai) aux programmations variées. Alors, si la musique est bonne, les pochoirs ne vont pas tarder ! Bel exemple pionnier : cet extraordinaire oeuvre de Shine (ci-contre) apposée sur le mur d’un hangar de l’avenue du Port. Dans un interview récent et exclusif pour ce blog, l’artiste nous explique : « Dans toute ma nouvelle série, il y a de très grandes tailles. C’est un nouveau chapitre que j’ouvre par rapport à mes préoccupations. J’étais assez sur les nerfs alors je me suis permis d’expérimenter le pessimisme ... Une fois que j’aurai fait le tour de mon délire, je ne sais pas ce que je garderai. Il y a des fois où je me sens obligé de théoriser, comme le Frankenstein. Bruxelles est pleine de symboles et j’ai moi aussi mes signes, mon iconographie. C’est mon culte à moi. Alors mettre Frankenstein sans rien, ça ne marche pas. Je crois en des symboles qui nous disent que nous subissons les choses ». Entre clapotis des eaux noires du canal et vagues rythmiques des festivités nocturnes, les symboles de Bruxelles ressurgissent comme autant de polysémies ... Dansons et pochons le long du canal qui ne dort plus.
Fast-forward, maintenant - par-dessus les tristes aléas des cycles industriels qui endormirent la zone - vers le siècle présent ... S’appuyant sur la superbe restauration et réaffectation du site de Tour & Taxis (allez, les pouvoirs publics et privés sont capables des meilleures choses quand ils le veulent bien), une toute nouvelle impulsion est en train de s’épanouir le long du morne canal. Le festival multi-culturel Couleur Café y a déjà vécu plusieurs éditions passionnantes et l’avenue du Port - qui longe le site - commence à aligner les lieux musicaux et festifs comme autant de perles sur un collier. Au n° 1 se trouve la grande bâtisse du K-Nal dans lequel sont organisées les soirées Anarchic, Fight Klub et (depuis ce samedi soir) Libertine / Supersport. C’est au N° 51 que réside le nouveau Magasin 4 et le N° 71 accueille le nouveau Bulex ! Si l’on suit l’avenue du Port vers le centre-ville, sur les quais aux Charbonnages - en différents endroits de l’ancien site des brasseries Bellevue - on peut y trouver des lieux d’occupations temporaires (Hêbê, Catclub, Auquai) aux programmations variées. Alors, si la musique est bonne, les pochoirs ne vont pas tarder ! Bel exemple pionnier : cet extraordinaire oeuvre de Shine (ci-contre) apposée sur le mur d’un hangar de l’avenue du Port. Dans un interview récent et exclusif pour ce blog, l’artiste nous explique : « Dans toute ma nouvelle série, il y a de très grandes tailles. C’est un nouveau chapitre que j’ouvre par rapport à mes préoccupations. J’étais assez sur les nerfs alors je me suis permis d’expérimenter le pessimisme ... Une fois que j’aurai fait le tour de mon délire, je ne sais pas ce que je garderai. Il y a des fois où je me sens obligé de théoriser, comme le Frankenstein. Bruxelles est pleine de symboles et j’ai moi aussi mes signes, mon iconographie. C’est mon culte à moi. Alors mettre Frankenstein sans rien, ça ne marche pas. Je crois en des symboles qui nous disent que nous subissons les choses ». Entre clapotis des eaux noires du canal et vagues rythmiques des festivités nocturnes, les symboles de Bruxelles ressurgissent comme autant de polysémies ... Dansons et pochons le long du canal qui ne dort plus.
lundi 31 août 2009
Bulexiiii, c'est finiiii (air connu)
Les parties Bulex à l’école de la Batellerie, c’est fini ! Samedi nuit était la dernière d’une merveilleuse épopée ... Bientôt, en effet, les bulldozers et autres hardies pelleteuses viendront aplatir ce qui fut depuis 2006 un des lieux les plus festifs de la capitale du monde libre ! Ambiance groovy dans la salle de gym, minimale dans le réfectoire, balkanisante dans la cour et électro-pop sous le préau. Telle était la magie polymorphe de l’école qui s’efface maintenant ... Et pour y construire quoi à la place ? Je vous le donne en mille : une autre école ... une école de police. Hé hé hé. Bref, dans les gravats disparaîtront les vestiges de fêtes et de festivals inoubliables. Dans les briquaillons s’évanouiront quelques belles fresques au pochoir dont celle illustrée ci-contre et oeuvrée par JLT. Elle représente un de ses amis DJ de JLT, poché grandeur nature sous son code paranoïaque de Sinn 82849. Comme se rappelle JLT à propos de son amis et d’autres de ses pochoirs-portraits : « Les textes qu’ils ont écrit à côté de leur portrait correspond à leur code parano. On ne maîtrise pas toujours les agissements de ses modèles. Et quand l’oeuvre est sur le mur, elle n’appartient plus à l’artiste, mais un peu à tout le monde. C’est pour eux une belle mise en valeur de leur personnage ». Au fil des ans, les murs de l’école de la Batellerie, se sont revêtus d’une émotion toute particulière grâce au Bulex. Alors la toute dernière fête, samedi passé, a voulu être la plus brave et la plus belle. Un peu mélancolique, certes, avec une p’tite boule dans la gorge, mais sans commune mesure avec ce qu’ont dû ressentir les fidèles et dévoués organisateurs du Bulex. Laissons Dominique, le chef-bulexeur, nous donne son sentiment : « Le pincement au coeur, ce sera lundi matin, quand je remettrai les clés ! ». Nous, on imagine déjà de nouvelles troupes policières - fraîchement promues et fièrement diplômées - sortir en rang serré et gracieuse cadence de leur académie toute neuve pour patrouiller nos rues et y pourchasser malfrats et ... graffiteurs. Drôle de revers. A moins ... à moins que ... touchés par l’inspiration des lieux, nos amis ne se vouent plutôt à la protection de l’art urbain. On peut rêver. En attendant, le Bulex - éternel nomade depuis ses premières soirées d’artistes et d’amis en 1986 - se cherche un nouvel endroit.
lundi 24 août 2009
C'est la totale !
A Bruxelles, capitale européenne de la démocratie, photographier des pochoirs est un motif apparemment suffisant pour être interpellé, questionné et fouillé par la police. Trèèèèès énervés, les trois gardiens de la paix suants et suintants sous la canicule de ce bel été, la semaine passée dans la commune d’Ixelles, lorsqu’ils m’ont assommé de questions à la « pourquoi est-ce que vous photographiez des graffitis ? qu’est ce que vous transportez dans votre sac ? Est-ce que vous connaissez celui qui a fait ce graffiti ? » ... Sans oublier l’aimable et inoubliable injonction « répondez à mon collègue ! ». Et bien, non, il n’y avait ni bombe aérosol ni marqueur dans ma besace ... Et bien, oui, cette fouille était parfaitement abusive et inutile. Mais je comprends, allez. On est tous un peu humain, hein ... Et c’est vrai que les rues du quartier ont été récemment pochées d’un abondant « Total 10 » qui n’a épargné ni palissade de maison naguère incendiée (comme ici rue de Stassart), ni fraîche devanture de magasin (comme dans la rue du Berger) ni jolie façade de maisonnette (comme dans la rue Keyenveld). Agressivité un peu inhabituelle d’un pochoir fort vandale par rapport à la pratique moyenne nettement plus polie et respectueuse. Mais alors ? « Total 10 » avec un gros point noir par-dessus ... mmmmh, voyons, voyons, mais ne serait-ce point (sic) une publicité pour la dernière compilation du label Kompakt basé à Cologne et dont la sortie en dur est annoncée pour ... aujourd’hui ? Ouiiiiii, alors, c’est fête ! Parce que Kompakt a toujours été un de mes labels fav’ et que sur cette compilation figure un de mes remixes tout aussi fav’, le très éthéré Wighnomy Likkalize Love Rekksmi de « No Turning Back » de Gui Boratto (07:13). Aussi recommandé, l’angoissant « Berg und Tal » de Wassermann aka Wolfgang Voigt (06 :43). Follow-up plutôt comique du traumatisant incident policier d'Ixelles, je me suis retrouvé quelques jours plus tard chez l’épicier du coin (un coin hors de Bruxelles) à faire la file juste derrière l’ancienne ministre fédérale de la justice (celle avec un J vraiment très minuscule). Oui, ze ministre (socialiste) qui fut responsable, en son temps d'il y a peu, de la pénalisation des graffitis dans notre patelin pays ... Tunique orange sur pantalon blanc pour elle, t-shirt brun sur jeans troués pour moi ... Nos regards se croisèrent l’espace fugace d’un instant gracieux mais sans plus. Ni échange verbal ni contact corporel. Je n’avais finalement rien à lui dire. Et encore moins à lui faire. Art urbain et musique électronique ... Que voulez-vous que cette noble et notable dame y comprenne ? Je ne sais pas quel était son total à la caisse mais le mien était de 10 euros pile (pour du gruyère rapé, de la sauce bolo et quelques pâtes). Total 10 ! C'est tout bon.
dimanche 9 août 2009
Le pochoir fait le trottoir ...
Au pays des pochoirs petits et monochromes, l’application au sol (directement par terre, quoi) n’est pas fréquente. En regardant bien où vous mettez les pieds (diminuant ainsi le risque de marcher dans une crotte de chien), vous trouverez peut-être quelques textes ou signes pochés sur les trottoirs bruxellois ... mais ceux-ci restent une exception numérique par rapport aux murs et palissades. Pourtant le « sidewalk stenciling » ne manque pas d’avantages et de charmes. L’usage est discret (je fais semblant de renouer le lacet de ma chaussure et ... pschiiiiiit ... c’est dans la « poche »), l’opération se pratique nettement sous la ligne de balayage ophtalmique des agents de la maréchaussée (derrière une bagnole, une vieille dame tirant son caddy, une poubelle) et sur une surface clairement identifiée comme voirie publique (donc pas privée) ... Enfin, son résultat est d’autant mieux mis en valeur qu’il est isolé des nombreuses pollutions verticales que sont les panneaux, enseignes, affiches et autres communicants mercantiles ou disciplinaires qui sur-saturent continuellement notre champ de perception visuelle. Bref, pour un pochoir, il serait difficile d’être encore plus « fondu » dans la routine urbaine quotidienne, tant le trottoir est à la fois un des éléments collectifs premiers de la ville (spatialement translationnel entre rue et immeuble) et un lieu d’expérience individuelle primale pour chaque piéton, poussettiste et - parfois - cycliste. Un idéal de situation(n)isme ! Face à tous ces attraits, la faible fréquence des pochoirs terrestres à Bruxelles est donc difficile à expliquer. L’exemple que nous en donnons ici est un portrait non signé (mais très certainement attribuable à Siul) que nous avons trouvé rue Saint-Roch, dans le bas de la ville. Si nous pouvions contacter l’auteur, nous lui demanderions certainement comment il gère l’équilibre délicat entre la gracieuseté de l'action pochoiresque au sol et la seule conséquence fâcheuse de son choix, qui est de se faire marcher sur la gueule dix, cent ou mille fois par jour ? Mais nous n’avons pas réussi à identifier le visiblement juvénile et souriant Siul.
En complément international à cette illustration bruxelloise, nous avons sélectionné dans nos gigantesques archives deux autres poch-traits également plaqués au sol. Le premier est de Féfé (aka Féniski, un rappeur français) photographié rue des Halles à Paris et le second est de Spud (aka Eric Campbell, un hip-hoppeur américain) photographié sur Spring street à New York. Dans ces deux cas, interestingly, la posture situation(n)iste du pochoir au sol est prise à contre-pied (!) puisqu’il s’agit d’utiliser une mise-en-rue artistique originellement désaliénante (rappel : l’horizontalité du sol l’éloigne des signaux consuméristes verticaux) pour ... justement ... promouvoir la vente d’albums de musique ! Donc, l’équation revient ici à : « OK, tu me marches sur la gueule mais je te fourgue mon CD en échange » ... L’ami Siul échappe-t-il, lui, au tupsy-torvy insidieusement commis par Féfé et Stud ? Inconnu au rayon des lyricistes mélodieux, on pourrait se dire, à défaut, que « oui », son acte est probablement innocent et désintéressé ...
Mais c’est compter sans les pirouettes de la destinée urbaine qui font que la rue Saint-Roch soit dans un des très rares quartiers de notre plutôt prude et puritaine capitale où la prostitution libre (non-close) est, sinon officiellement tolérée, du moins joyeusement pratiquée ! Femmes de joie et travelos de joie y déballent en effet leur marchandise vénale à même le trottoir à toute heure du jour (un peu) et de la nuit (beaucoup). Donc, pour Siul, l’équation revient peut-être à : « OK, tu me tapines sur la gueule mais en échange de » ... de quoi ? De zieuter sous la jupe des péripatéticiennes ? Mon dieu, lui seul le sait. Et peut-être est-il, malin, encore plus proche de la démarche situation(n)iste qu'on ne pourrait le penser, puisque celle-ci cherche en effet à créer des situations alternatives dans lesquelles les désirs humains les plus primitifs se réalisent. (ndlr : si c'est le cas, alors chapeau !). En attendant, un peu plus de « sidewalk stenciling » à Bruxelles ne serait pas de refus.
En complément international à cette illustration bruxelloise, nous avons sélectionné dans nos gigantesques archives deux autres poch-traits également plaqués au sol. Le premier est de Féfé (aka Féniski, un rappeur français) photographié rue des Halles à Paris et le second est de Spud (aka Eric Campbell, un hip-hoppeur américain) photographié sur Spring street à New York. Dans ces deux cas, interestingly, la posture situation(n)iste du pochoir au sol est prise à contre-pied (!) puisqu’il s’agit d’utiliser une mise-en-rue artistique originellement désaliénante (rappel : l’horizontalité du sol l’éloigne des signaux consuméristes verticaux) pour ... justement ... promouvoir la vente d’albums de musique ! Donc, l’équation revient ici à : « OK, tu me marches sur la gueule mais je te fourgue mon CD en échange » ... L’ami Siul échappe-t-il, lui, au tupsy-torvy insidieusement commis par Féfé et Stud ? Inconnu au rayon des lyricistes mélodieux, on pourrait se dire, à défaut, que « oui », son acte est probablement innocent et désintéressé ...
Mais c’est compter sans les pirouettes de la destinée urbaine qui font que la rue Saint-Roch soit dans un des très rares quartiers de notre plutôt prude et puritaine capitale où la prostitution libre (non-close) est, sinon officiellement tolérée, du moins joyeusement pratiquée ! Femmes de joie et travelos de joie y déballent en effet leur marchandise vénale à même le trottoir à toute heure du jour (un peu) et de la nuit (beaucoup). Donc, pour Siul, l’équation revient peut-être à : « OK, tu me tapines sur la gueule mais en échange de » ... de quoi ? De zieuter sous la jupe des péripatéticiennes ? Mon dieu, lui seul le sait. Et peut-être est-il, malin, encore plus proche de la démarche situation(n)iste qu'on ne pourrait le penser, puisque celle-ci cherche en effet à créer des situations alternatives dans lesquelles les désirs humains les plus primitifs se réalisent. (ndlr : si c'est le cas, alors chapeau !). En attendant, un peu plus de « sidewalk stenciling » à Bruxelles ne serait pas de refus.
vendredi 7 août 2009
Hasard à Paris ...
L’exposition « Né dans la rue – Graffiti » assemblée à la Fondation Cartier (Paris) et visible jusqu’à fin novembre (2009) ne présente aucun pochoir. Curieux, bizarre et honteux mais c'est comme ça. C’est donc le signe d’une juste justice justicière qu’au sortir de cette exposition nous ayons rencontré un pochoiriste à l’oeuvre sur une palissade attenante du boulevard Raspail ... SOE2 est un jeune artiste parisien multi-format - entendez encore en phase expérimentale de recherche de son soi-même authentique - dont les pochoirs reprennent souvent des signes et motifs très « graff’iques » (têtes de flêches, figuratifs de spray-bombes). La maîtrise de la technique, en tout cas, est déjà affirmée. SOE2 construit ses gabarits en carton-mousse, dont les ponts sont renforcés avec des cure-dents et dont les motifs peuvent s’assembler en compositions variables et variées.
Mais pourquoi SOE2 ? L’artiste nous répond : « J’aime le son, so-hé, comme souhait et soi-même ... C’est un peu un jeu de mots en fait, c’est personnel ». A l’écoute des propos doux et riches (et aussi un peu idéalistes, mais ça, c’est l’âge) de SOE2, on écartera donc l’hypothèse d’une inspiration nominale belliqueuse dérivée de jeux vidéo guerriers comme State of Emergency ou Soldiers of Empires. L’artiste continue : « J’aimerais faire des oeuvres de grande taille, avec des effets, comme des trompe-l’oeils ... J’essaie différentes techniques ... Je voudrais aussi intéresser les gens de la Fondation, là, mais c’est pas facile ». Oui, ça c’est clair que cela ne doit pas être facile ... et pas prioritaire non plus ! SOE2 a en effet encore beaucoup à nous donner dans la rue, entre gravat et ozone, avant d’aller se (faire) muséifier ... Et puis, il devrait un peu voyager, se cogner à d'autres styles, aux origines, à d'autres urbanités. SOE2 nous confie : "Oh oui, New York, c'est mon rêve ... Aller faire des graffitis là-bas ... Mais, je ne parle pas anglais !". Alors, si quelqu'un a une vieille méthode Assimil à partager avec notre ami, c'est le moment. Et espérons que les pochoirs de SOE2 seront de plus en plus nombreux, sur les murs d'ici et d'ailleurs, dans un bel et proche avenir ! Vive Paris, vive la France.
Mais pourquoi SOE2 ? L’artiste nous répond : « J’aime le son, so-hé, comme souhait et soi-même ... C’est un peu un jeu de mots en fait, c’est personnel ». A l’écoute des propos doux et riches (et aussi un peu idéalistes, mais ça, c’est l’âge) de SOE2, on écartera donc l’hypothèse d’une inspiration nominale belliqueuse dérivée de jeux vidéo guerriers comme State of Emergency ou Soldiers of Empires. L’artiste continue : « J’aimerais faire des oeuvres de grande taille, avec des effets, comme des trompe-l’oeils ... J’essaie différentes techniques ... Je voudrais aussi intéresser les gens de la Fondation, là, mais c’est pas facile ». Oui, ça c’est clair que cela ne doit pas être facile ... et pas prioritaire non plus ! SOE2 a en effet encore beaucoup à nous donner dans la rue, entre gravat et ozone, avant d’aller se (faire) muséifier ... Et puis, il devrait un peu voyager, se cogner à d'autres styles, aux origines, à d'autres urbanités. SOE2 nous confie : "Oh oui, New York, c'est mon rêve ... Aller faire des graffitis là-bas ... Mais, je ne parle pas anglais !". Alors, si quelqu'un a une vieille méthode Assimil à partager avec notre ami, c'est le moment. Et espérons que les pochoirs de SOE2 seront de plus en plus nombreux, sur les murs d'ici et d'ailleurs, dans un bel et proche avenir ! Vive Paris, vive la France.
jeudi 23 juillet 2009
Nulle peine tu causeras
L’attaque pochiste sur la petite place du Châtelain, il y a de cela quelques semaines, fût particulièrement soudaine et sauvage. En une nuit, plusieurs façades de maisons et de boutiques - aux couleurs calmes et discrètes - ont été placardées de trois poche-textes différents, tous criards et provocants. Des phrases dont orthographe et grammaire approximatives trahissent sans aucun doute l’impétueuse jeunesse de leur auteur. Le traumatisme porté à ce petit bout de quartier au bonheur d’ordinaire si villageois est profond. Valérie, de la boutique de lingerie Des Hauts et Des Bas témoigne en exclusivité pour ce blog : « On a trouvé ça comme ça, en arrivant un matin. C’est la deuxième fois en quelques mois. La première fois, la commune a été tellement lente à la détente que nous avons repeint la façade nous-mêmes. Cette fois-ci, ils ont été plus rapides. On n’a rien dû demander » avant d’ajouter, comme pour se mettre un peu de baume au coeur : « Le résultat est plutôt réussi, non ? ». En fait, le résultat, c’est mouais tendance non. La comparaison avant / après photographiée sur une maison située à l’angle de la rue du Châtelain et illustrée ci-contre nous montre en effet que le recouvrement réalisé par les autorités communales n’est malheureusement pas vraiment top (presque pire, finalement). Mais bon.
Nous avons également demandé à vgt, célèbre pochoiriste de la capitale, de nous donner son avis sur cette attaque : « Les pochoiristes ont normalement plus de respect que les taggeurs car il y a une démarche, une préméditation, derrière ... Cela m’attriste un peu de voir qu’il y en a qui n’ont pas ce respect-là. Ce sont des gens qui ne font pas ça par passion des pochoirs ». Alors ... Cela veut-il dire qu’il y a des gentils pochoiristes et des méchants pochoiristes, des beaux pochoirs et des laids pochoirs, que certains devraient être admis, tolérés, légalisés et d’autres effacés et punis sans pitié ni pardon ? Et que la clé de cette répartition se trouve dans le psyché démarchant de l’artiste ? Probablement oui, en partie ... Dans le quartier du Châtelain, on peut d’ailleurs trouver quelques pochoirs très sympas qui ne violent ni ne violentent les surfaces sur lesquelles ils ont été appliqués ... Et qui persistent ainsi depuis bien longtemps ! Mais pour les habitants et les commerçants encore meurtris par l’acte récent d’un pochoiriste renégat, la distinction est difficile, voire impossible. Valérie, entourée de ses chatoyants articles de soie et de dentelle, conclut avec fatalisme et résignation : « On attend la prochaine fois ». Vous savez quoi ? On n'est pas très heureux ...
Nous avons également demandé à vgt, célèbre pochoiriste de la capitale, de nous donner son avis sur cette attaque : « Les pochoiristes ont normalement plus de respect que les taggeurs car il y a une démarche, une préméditation, derrière ... Cela m’attriste un peu de voir qu’il y en a qui n’ont pas ce respect-là. Ce sont des gens qui ne font pas ça par passion des pochoirs ». Alors ... Cela veut-il dire qu’il y a des gentils pochoiristes et des méchants pochoiristes, des beaux pochoirs et des laids pochoirs, que certains devraient être admis, tolérés, légalisés et d’autres effacés et punis sans pitié ni pardon ? Et que la clé de cette répartition se trouve dans le psyché démarchant de l’artiste ? Probablement oui, en partie ... Dans le quartier du Châtelain, on peut d’ailleurs trouver quelques pochoirs très sympas qui ne violent ni ne violentent les surfaces sur lesquelles ils ont été appliqués ... Et qui persistent ainsi depuis bien longtemps ! Mais pour les habitants et les commerçants encore meurtris par l’acte récent d’un pochoiriste renégat, la distinction est difficile, voire impossible. Valérie, entourée de ses chatoyants articles de soie et de dentelle, conclut avec fatalisme et résignation : « On attend la prochaine fois ». Vous savez quoi ? On n'est pas très heureux ...
dimanche 12 juillet 2009
Ca-ca ca-nin !
Dans la compétition sans pitié pour le titre convoité de Ville la plus Crottée du Monde, Bruxelles revendique triomphalement la pool position ! Chaque jour, qu’il soleille, qu’il vente ou qu’il pluie, plus de 109.000 chiens défèquent laborieusement et méritoirement sur les trottoirs de notre capitale afin d’assurer que nulle autre cité ne puisse nous ravir cette gloire chiament gagnée. D’après une récente campagne d’hygiène urbaine, en effet, chaque Médor bruxellois produit annuellement 80 kg de matière fécale ! Pas mal, pas mal (fierté locale oblige, applause) ... Mais peut faire mieux ! Parce que - strictement entre nous - cette performance reste clairement en-dessous de la moyenne canidée naturelle (autour de 350 grammes quotidiens). A leur décharge (!), les chiens des villes sont en moyenne plus petits que les chiens des campagnes, souvent nourris de bouffe synthétique à faible valeur déjectionnelle et (honteusement) trop peu fréquemment sortis. Nos champions peuvent donc encore mieux faire ... Ils ont de la réserve sous la pédale. Et, clairement, les messages d’encouragement que leur adressent nos pochoiristes, comme Monzon ci-contre sur un pochoir trouvé rue Vanderkindere, devraient aider nos athlètes canins à se surpasser. Aujourd’hui, la production anale de nos fidèles compagnons bruxellois - si elle était uniformément répartie sur les trottoirs de nos 19 communes - représente une couche de merde d’environ 4 microns d’épaisseur (en tenant compte du fait qu’une crotte de chien se décompose naturellement en 7 jours) ... Pouvons-nous dès lors rêver à, aspirer à, prétendre à 4 millimètres demain, et - à coup d’entraînement de niveau olympique - 4 mètres après-demain ? Personnellement, j’aime l’idée d’une couche uniforme, à la Nutella, sur nos trottoirs ... C’est une formule bien moins stressante que de devoir zig-zaguer entre des « petits paquets » dispersés ça et là ... Surtout quand on marche le nez en l’air à l’affût de pochoirs sur les murs et les palissades de nos rues. Au moins, on sait qu’on splitche-splatche dans la merde, d’office, en bottes ou en escarpins.
Et puis, 4 microns, c’est très proche de l’épaisseur de peinture que les graffeurs et pochoiristes tracent à la bombe sur les supports urbains ... Pour beaucoup de nos citoyens et justiciers, graffs, tags et autres stencils sont en effet des polluants (incivils) équivalents aux cacas canins. Trottoir et mur, ce n’est qu’une question de projection à 90 degrés. Alors, pour bien nous montrer que tout est dans tout et sa réciproque, quelques pochoiristes nous invitent, nous humains, à contribuer à l’effort courageux de nos amis à pattes. Prenons ainsi exemple sur ce pochoir trouvé rue Armand Campenhout et signé de façon très appropriée "KK" ... Aidons nos chiens urbains à hausser le niveau de leur production fécale. Ensemble, nous vaincrons à l’aise. Les doigts dans le ... heu ...
Et puis, 4 microns, c’est très proche de l’épaisseur de peinture que les graffeurs et pochoiristes tracent à la bombe sur les supports urbains ... Pour beaucoup de nos citoyens et justiciers, graffs, tags et autres stencils sont en effet des polluants (incivils) équivalents aux cacas canins. Trottoir et mur, ce n’est qu’une question de projection à 90 degrés. Alors, pour bien nous montrer que tout est dans tout et sa réciproque, quelques pochoiristes nous invitent, nous humains, à contribuer à l’effort courageux de nos amis à pattes. Prenons ainsi exemple sur ce pochoir trouvé rue Armand Campenhout et signé de façon très appropriée "KK" ... Aidons nos chiens urbains à hausser le niveau de leur production fécale. Ensemble, nous vaincrons à l’aise. Les doigts dans le ... heu ...
mercredi 8 juillet 2009
The writing is on the wall ...
En 2002, Israël a commencé la construction d’un mur autour du non-état palestinien. Le résultat est une magnifique surface en béton parfaitement monotone et monochrome de 4 millions de mètres-carrés qui ne demandent qu’à être colorés, décorés, animés. Un groupe d’artistes a d’ailleurs récemment entrepris d’y peindre au pochoir un texte écrit par le philosophe anti-apartheid Farid Esack. Ce texte, long de 1998 mots, est - à l’instant où vous nous lisez - en train d’être poché lettre par lettre (il y en a 11643 et chacune mesure 60 centimètres de haut !) en une mono-ligne de 2625 mètres au départ de Ramallah. Hypertrophie inflammatoire de l’index garantie pour les courageux volontaires qui, au bout de 400 bombes aérosols, auront écrit ... l’Histoire. Et comme s’ils n’avaient pas assez de boulot, vous pouvez également leur demander d’apposer un texte de votre composition contre quelques euros (www.sendamessage.nl). Comme vous le voyez, je n’ai pas résisté à l’invitation ! En même temps, je n’ai jamais autant souhaité qu’un mur plein de tags, graffs et stencils disparaisse au plus vite ... Etrange.
dimanche 21 juin 2009
Modèle d'auto-régulation
L’art du graffiti est gratuit mais le contre-art de son buffage est payant. Les obsédés de la sanitation urbaine nous le rappelle volontiers, en oubliant - oups - de nous demander d’abord notre avis sur l’utilité et la légitimité de l’opération hygiénique. Mais, « payant » ça veut dire combien, au juste ? Grâce à des algorithmes ultra-sophistiqués et hyper-secrets, nous avons estimé que le nettoyage des graffitis à Bruxelles coûte environ 4,6 euros par habitant par an lorsqu’on considère l’ensemble des commanditaires, soit les autorités publiques, les sociétés de transports en commun et quelques propriétaires privés … Cher ? Pas cher ?
En tout cas, la dépense bruxelloise apparaît un peu supérieure à celle de Los Angeles (3,4 euros), Chicago (2,7), Las Vegas (2,2), Houston (2,0) et New York (0,7) pris ici à titre d’exemples. Le coût salarial de nos contre-artistes explique certainement - mais peut-être seulement en partie - la différence entre Bruxelles et nos références américaines puisque le poste « personnel » justifie environ 80 % de la note de frais. Entre les villes américaines, par ailleurs, la fréquence des actes muraux ainsi que l’assiduité de leur réplique savonneuse et décapante contribuent clairement aux fluctuations budgétaires. Enfin, la démographie de New York est tellement extravagante (en densité numérique et en rangement vertical) que le prix du nettoyage par citadin en devient quasi insignifiant.
Alors, de retour chez nous, comment amoindrir cette douloureuse et intolérable imputation financière de 4,6 euros par an ? Une solution nous est suggérée par l’étonnant montage photographié rue de la Vanne et illustré ci-contre. On y voit trois préposés à la propreté urbaine, magnifiquement tracés au pochoir multi-couche, s’attaquer gaillardement à l’effaçage d’un beau flop de Color. Le street art nettoyant le street art, voilà une perspective en boucle très prometteuse (on reste entre amis) qui sent bon et peut rapporter gros. En effet, si la plupart des sociétés bruxelloises spécialisées dans l’anti-graffiti ne déposent pas leurs comptes annuels à la banque nationale des bilans (il en est ainsi pour Anti-Graffiti-P+, Graffiti Service, Doctorskin, Sepagraff et Clear Pression), l’examen des résultats de SOS Graffiti révèle un chiffre d’affaire de 134.000 euros en 2008 avec un bénéfice final de 20.000 euros … Soit un joli petit budget à réinvestir presto dans des cutters, des cartons et des bombes ! Aurions-nous enfin trouvé le modèle économique durable du pochoir ?
En tout cas, la dépense bruxelloise apparaît un peu supérieure à celle de Los Angeles (3,4 euros), Chicago (2,7), Las Vegas (2,2), Houston (2,0) et New York (0,7) pris ici à titre d’exemples. Le coût salarial de nos contre-artistes explique certainement - mais peut-être seulement en partie - la différence entre Bruxelles et nos références américaines puisque le poste « personnel » justifie environ 80 % de la note de frais. Entre les villes américaines, par ailleurs, la fréquence des actes muraux ainsi que l’assiduité de leur réplique savonneuse et décapante contribuent clairement aux fluctuations budgétaires. Enfin, la démographie de New York est tellement extravagante (en densité numérique et en rangement vertical) que le prix du nettoyage par citadin en devient quasi insignifiant.
Alors, de retour chez nous, comment amoindrir cette douloureuse et intolérable imputation financière de 4,6 euros par an ? Une solution nous est suggérée par l’étonnant montage photographié rue de la Vanne et illustré ci-contre. On y voit trois préposés à la propreté urbaine, magnifiquement tracés au pochoir multi-couche, s’attaquer gaillardement à l’effaçage d’un beau flop de Color. Le street art nettoyant le street art, voilà une perspective en boucle très prometteuse (on reste entre amis) qui sent bon et peut rapporter gros. En effet, si la plupart des sociétés bruxelloises spécialisées dans l’anti-graffiti ne déposent pas leurs comptes annuels à la banque nationale des bilans (il en est ainsi pour Anti-Graffiti-P+, Graffiti Service, Doctorskin, Sepagraff et Clear Pression), l’examen des résultats de SOS Graffiti révèle un chiffre d’affaire de 134.000 euros en 2008 avec un bénéfice final de 20.000 euros … Soit un joli petit budget à réinvestir presto dans des cutters, des cartons et des bombes ! Aurions-nous enfin trouvé le modèle économique durable du pochoir ?
dimanche 14 juin 2009
La bombe bombe ...
Amis du pochoââr, bonsoââr ! Dans la grande série « les pochoirs nous rendent plus beaux et, surtout, plus intelligents », nous allons, ce soââr, nous entretenir didactiquement de la bombe. La bombe aérosol, cela s’entend. En effet, même si quelques pochoirs bruxellois, fort rares il faut bien le dire, sont peints au pinceau, à la brosse ou au rouleau (on en reparlera peut-être un jour), ce sympathique schtroumpf poché sur un boîtier technique de la chaussée de Waterloo nous rappelle que l’outil de prédilection du pochoiriste, c’est la bombe aérosol. Mur, gabarit et bombe, la sainte trinité du pochoir … comme dixit le pochoiriste bruxellois réputé et estimé vgt. Pas étonnant, dès lors, que la bombe aérosol se retrouve elle-même fréquemment représentée sur des pochoirs … Mais, comme pour tant d’autres équipements dont nous faisons l’usage quotidiennement (un iPod, une chasse d’eau, un micro-ondes), savez-vous comment fonctionne une bombe aérosol ? Evidement non … Alors, voilà, on va vous aider à pallier cette grave déficience. C’est pour votre bien. Dans une bombe aérosol, il y a deux liquides. L’un est le produit à projeter (déodorant, insecticide, peinture, crème fraîche) et l’autre est un liquide-gaz propulseur enfermé sous haute pression et qui ne demande qu’à s’échapper. La bille que vous entendez faire biling-biling-biling quand vous secouez votre instrument (mmmhh …) avant de pocher assure que les deux composants sont bien mélangés. En appuyant sur le cap de la bombe aérosol, vous offrez au liquide-gaz l’occasion de s’échapper par une minuscule ouverture, emportant avec lui de la peinture qui est ensuite atomisée en un fin « spray » par le dispositif (nozzle) de la tête du cap.
Un bel exemple de bombe aérosol pochée est illustré ci-contre. Il a été trouvé à l’envers d’un panneau dans un endroit complètement improbable – là où nous ne nous serions jamais rendus si les hasards de la vie (ou plutôt, dans ce cas-ci, l’adresse d’un garagiste) ne nous y avaient conduit(s ?) - soit au tout début de la chaussée de Saint-Job, dans les ultimes confins de la commune d’Uccle. Le plus étonnant, tout bien pensé, est que pratiquement tout l’art urbain comme nous le connaissons (et l’apprécions), non seulement les pochoirs mais aussi les graffitis et bien d’autres formes d’interventions artistiques, n’aurait été possible sans l’ingéniosité d’un norvégien du nom d’Eric Rotheim. C’est en effet lui qui inventa la bombe aérosol en 1931 (année de dépôt du brevet). La Norvège ? Yep, la mère patrie d’un des pochoiristes les plus connus de notre époque : Dolk Lundgren, aka Dolk. D’humeur jouette ce soââr, nous terminerons notre rubrique pédagogique avec une question joliment intriguante : pourquoi le fond de la bombe aérosol est-il bombé ? Le premier lecteur ou la première lectrice qui nous soumettra les (attention, les ! pluriel …) bonnes réponses aura droit à quelque chose.
Un bel exemple de bombe aérosol pochée est illustré ci-contre. Il a été trouvé à l’envers d’un panneau dans un endroit complètement improbable – là où nous ne nous serions jamais rendus si les hasards de la vie (ou plutôt, dans ce cas-ci, l’adresse d’un garagiste) ne nous y avaient conduit(s ?) - soit au tout début de la chaussée de Saint-Job, dans les ultimes confins de la commune d’Uccle. Le plus étonnant, tout bien pensé, est que pratiquement tout l’art urbain comme nous le connaissons (et l’apprécions), non seulement les pochoirs mais aussi les graffitis et bien d’autres formes d’interventions artistiques, n’aurait été possible sans l’ingéniosité d’un norvégien du nom d’Eric Rotheim. C’est en effet lui qui inventa la bombe aérosol en 1931 (année de dépôt du brevet). La Norvège ? Yep, la mère patrie d’un des pochoiristes les plus connus de notre époque : Dolk Lundgren, aka Dolk. D’humeur jouette ce soââr, nous terminerons notre rubrique pédagogique avec une question joliment intriguante : pourquoi le fond de la bombe aérosol est-il bombé ? Le premier lecteur ou la première lectrice qui nous soumettra les (attention, les ! pluriel …) bonnes réponses aura droit à quelque chose.
samedi 6 juin 2009
Le filosofe des graphittis
Le philosophe est l’exprimeur d’une pensée supérieure et profonde. Muni de l’outil de la raison vraie et du mode d’emploi de la distance intellectuelle, il monte donc en bas, chose que nous, simples mortels, n’avons jamais réussi à faire. Et quand le philosophe s’énonce, l’attente est grande, l’espoir est proportionnel et le temps est suspendu. Plus un bruit d’argenterie ou de machouillage dans la salle à manger. Jean C. Baudet, né en 1944 et pas encore mort, est un tel savant-penseur. Spécialiste de l’analyse des discours scientifiques, poétiques, religieux et idéologiques (ben mon vieux …), il aime nous faire partager sa passion du savoir. Alors, quand il écrit un billet dans le quotidien financier et économique L’Echo (pas de panique, les kids, c’est une feuille de chou pour les adultes … Vous pouvez rester collés à vos Tsugi, Standard et autres Pif Gadget), moi, je lis attentivement. Le week-end passé (celui de son anniversaire, d’ailleurs), il nous allait d’une petite réflexion ironique et spirituelle sur ce que notre société interdit (alors qu’elle - selon lui - devrait l’autoriser) et autorise (alors qu’elle devrait - selon lui - l’interdire). Extrait de l’œuvre articulaire : « La post-modernité a ouvert toutes grandes les autoroutes de la nouvelle jouissance, et nous pouvons, c’est même très tendance, (…) salir des façades entières par des slogans et des dessins, appeler cela de l’art urbain ». Bon bon, me dis-je … Pour une fois qu’une lumière éclairée se prononce sur les « graffitis », c’est plutôt mal barré. Contacté par e-mail (j’oublie toujours si couriel prend deux ou trois R), notre ami confirme sous le titre vraiment très fin « Tac aux tags » : « Je n'ignore pas que les tags sont interdits (…) mais le fait est qu'ils me paraissent n'être guère punis, puisque je les vois "fleurir" de plus en plus, à Bruxelles et ailleurs. Ce qui en outre me donne à penser, c'est que j'entends certains discours où l'on voudrait nous faire croire qu'il s'agit d'une manifestation artistique qu'il conviendrait de protéger, voire même d'encourager. La société doit trouver les moyens de lutter contre cette altération systématique du patrimoine public ou privé ». Je vous passe sa suggestion un fifrelin too much d’étudier la psychopathologie du tagueur (ouaip, pas moins ! Appel aux candidats thésards en profilage criminologique). On attendait un avis inspiré et original, une clairvoyance chère et chérie (parce que rare et précieuse), une interprétation aérée et libératrice - qui sent bon le frais, au-dessus de la mêlée viciée - et on se retrouve face aux amalgames simplistiques, plats, bornés et répressifs à vous donner envie d’en chiâler. Parce que, voyez-vous, les adultes qui lisent L’Echo sont des parents, des politiciens, des professeurs, des décideurs déjà peu naturellement portés sur la gaudriole (le balai dans le cul étant un trait génétique de la bourgeoisie et de l'élite) … L’émotion artistique et esthétique urbaine n’est pas vraiment spontanée chez eux. Alors si même le philosophe de service leur dit que tous ces trucs de d’jeunzs, c’est pas bien, ben, purée, on n’est pas sorti de l’auberge. Mais bon, notre ami Jean C. n’est certainement pas un mauvais bougre, ceci dit. Alors, comme cadeau pour son anniversaire, je vous propose de lui offrir son portrait au pochoir (oui, L’Echo est imprimé sur du papier couleur saumon (parce que sur du papier couleur caviar, les textes seraient illisibles ! (mmmh, vaudrait peut-être mieux ?))). Il a bien une tête de filosofe ! Concluons en espérant que son prochain article aura comme titre : « du tact aux tags » … On en rit déjà. Ou faut-il plutôt préparer la boîte de mouchoirs ?
lundi 1 juin 2009
Madeleines et pochoirs, même combat !
On trimballe tous et toutes des vieux trucs, des images et des sons, dans sa tête. Et parfois dans son cœur, aussi. Il ne faut souvent pas grand’chose pour les faire remonter à la surface de nos sens. Juste un signal, juste une vision, une simple coïncidence. Les pochoirs, par leur pouvoir imageant très direct, sont de redoutables déclencheurs d’associations d’idées et de mémoires. Comme si leur objet premier était d’être, au-delà des signifiants révolutionnaires à usage sociétal, des interpellants singuliers qui nous touchent en chaque individu unique et séparé. Alors, voici l’histoire vraie d’une telle association, celle qu’un pochoir bruxellois a récemment élicité en mon je/moi, comme s’il était la reliure d’un livre ouvert aux pages du passé et du présent. Le pochoir, vous le trouverez en plusieurs copies rue Jacques de Lalaing. Il représente le portrait d’une « free girl » un peu … barbouillée. Le pochoir apparaît dans la vidéo de « Heartcore » de Shameboy (2008, Jimmy Dewit et Luuk Cox, directeur Joris Rabijns, hyperlien : www.youtube.com/watch?v=lb5i2Q4eH9Y). Le synopsis se déroule comme ceci : une fille tombe d’un toit, se ramasse dans une poubelle, titube dans la rue toute échevelée et désarticulée, se fait choper par les flics, est placée dans un asile puis finit disséquée par deux toubibs au scalpel plus qu’approximatif et donc meurt. Voilà pour la page du présent. Au passé, rewind, on a la vidéo de « Be There » de Unkle (1999, James Lavelle et DJ Shadow, directeur Jack Scott, hyperlien : www.roxwel.com/player/unklebethere après la pub). Le synopsis se déroule comme cela : une fille monte dans une rame de métro londonien, écoute son walkman - K7 qui déconne, rate son arrêt, se rassoit échevelée et résignée, s’assoupit puis reçoit la visite bienveillante du grand faucheur en personne et donc meurt. Deux filles très belles et sauvages, très « out » et très « lost », deux séquences de vies précocement et injustement condamnées, deux conclusions létales que l’on devine dès le début (le fameux « tingle factor » des englishes).
Comme dans les paroles superposées par Ian Brown (parce que le titre de Unkle est, à l’origine, un instrumental nommé « Unreal » paru sur l'album Psyence Fiction une année plus tôt … Mais, hum, je vous bassine avec ces détails) : « I don’t see you falling. Corrupt, a plea for free will. An irresponsible horror show ». Purée, ça fait dix ans que le visage de cette donzelle (ci-contre sur un still honteusement piqué à MTV) était tapi dans mes neurones. Le regret de ne pas avoir été dans le tube (!) cette nuit-là pour la sauver me rattrape. C’est souvent un peu malencontreux, ces souvenirs. P'tit vertige amertumeux. Mmmmh, il est temps de refermer le livre et de passer à autre chose. Une madeleine, quelqu’un ?
Comme dans les paroles superposées par Ian Brown (parce que le titre de Unkle est, à l’origine, un instrumental nommé « Unreal » paru sur l'album Psyence Fiction une année plus tôt … Mais, hum, je vous bassine avec ces détails) : « I don’t see you falling. Corrupt, a plea for free will. An irresponsible horror show ». Purée, ça fait dix ans que le visage de cette donzelle (ci-contre sur un still honteusement piqué à MTV) était tapi dans mes neurones. Le regret de ne pas avoir été dans le tube (!) cette nuit-là pour la sauver me rattrape. C’est souvent un peu malencontreux, ces souvenirs. P'tit vertige amertumeux. Mmmmh, il est temps de refermer le livre et de passer à autre chose. Une madeleine, quelqu’un ?
samedi 23 mai 2009
A vue et vol d'oiseau
Vous voyez l’espèce de rosace centrée sur l’œil de l’oiseau poché par le collectif Peripheral Media Projects sur cette palissade de la rue Saint-Ghislain ? Mais si, regardez bien … On dirait un enjoliveur de bagnole ou le motif d’un vitrail circulaire. Allleeeez, vous l’avez sur le bout de la langue … C’est …. Hé ben oui, mais c’est bien sûr … C’est un panopticon ! Oncle Wiki vous en rappelle la définition, au cas douteux et malheureux où vous l’auriez oubliée : le panopticon est un modèle architectural de prison conçu en 1785 par le philosophe anglais Jeremy Bentham (comme quoi, la philosophie mène à tout). Le principe du panopticon est simple : permettre au moins possible de « uns » de surveiller le plus possible de « tous les autres ». Copain Jeremy a en fait piqué l’idée à son frère Samuel qui a établi les plans d’une école militaire à Paris selon le même schéma. Dans un entretien exclusif réalisé tout récemment dans leur atelier de Brooklyn (NYC, USA) pour ce blog, un des membres du collectif PMP, nous parle de l’œil poché (!) : « The observed is always under the impression of being observed but doesn’t see the observer … The system enables you to watch more than thousand prisoners at once but they don’t even know if you are in your post ! It’s all about how to create a maximally efficient prison and guard system, how to optimize the system ». Parce que le « système » auquel notre pochoiriste fait allusion n’est évidemment pas restreint au monde scolaire (élèves / pion) ou pénitentiaire (plus besoin de faire un dessin). On le retrouve aussi dans certaines réflexions de dispositions hospitalières (patients / soignant), dans des plans de construction d’usines (ouvriers / contre-maître) et, ultimement, dans l’ensemble de notre environnement sociétal. Il revient au philosophe (décidément !) français Michel Foucault (1926 - 1984) d’avoir été le premier à analyser - dans son célèbre livre « Surveiller et Punir » publié en 1975 - cette fâcheuse tendance panoptique de notre société moderne obsédée jusqu’à la moëlle par la surveillance et la normalisation. Ecoutes téléphoniques, caméras en circuit fermé et autres monitorages internautiques n’ont fait qu’amplifier la pertinence de la métaphore panopticiste au cours des dernières années. D'ailleurs, même cette palissade en planches de bois a des yeux (qui ne sont pas de PMP) qui nous regardent ... Bref, nous sommes tous des prisonniers !
Le collectif PMP enfonce d’ailleurs le clou avec un second pochoir, beaucoup plus direct et peint rue du Miroir : « For all prisoners, … Everywhere ». Mais dans une pirouette intellectuelle que seuls les artistes de grand talent sont capables d’exécuter, le collectif nous précise lors de notre rencontre que, à la prison (du corps), il est toujours possible d’opposer la liberté (d’esprit) : « Our stencils are strong enough as stand-alone that other people who may not know it's a pantopticon can see other contents and be happy with it … They are not missing-out on anything, it’s not to their disadvantage … The idea is to get people to think but not what they should think. Telling people what to think is not respectful ! ». Alors, ami lecteur, amie lectrice, vois et imagines ce que tu veux, envoles - toi libre comme l’oiseau.
Le collectif PMP enfonce d’ailleurs le clou avec un second pochoir, beaucoup plus direct et peint rue du Miroir : « For all prisoners, … Everywhere ». Mais dans une pirouette intellectuelle que seuls les artistes de grand talent sont capables d’exécuter, le collectif nous précise lors de notre rencontre que, à la prison (du corps), il est toujours possible d’opposer la liberté (d’esprit) : « Our stencils are strong enough as stand-alone that other people who may not know it's a pantopticon can see other contents and be happy with it … They are not missing-out on anything, it’s not to their disadvantage … The idea is to get people to think but not what they should think. Telling people what to think is not respectful ! ». Alors, ami lecteur, amie lectrice, vois et imagines ce que tu veux, envoles - toi libre comme l’oiseau.
vendredi 22 mai 2009
Les forces de l'ordre NYaises sont-elles taupées ?
Rapide passage par la Grosse Pomme le week-end passé. Quelques heures dérobées à un voyage sérieux pour traînailler dans les rues du Meat District - Chelsea et y conclure que, de nos jours, la vaste majorité des oeuvres murales de Manhattan sont collées et non peintes ou pochées. Grandes vedettes du moment : les gigantesques paste-ups de Mr. Brainwash, les dessins multi-colorés de Tian et les heureux détournements de BilliKid. Dans le registre stencilé pur et dur, on trouve bien quelques trucs sympas ça et là mais, au comptage final, le plus fréquent pochoir direct est … la version locale de notre « interdit d'afficher ». On peut se poser la question de savoir si son auteur - applicateur n’est pas un pochoiriste qui s’est fait pincer par les flics et preste ainsi quelques heures de travaux d’utilité publique au comble ironique de son art. L’exemple illustré ici a été photographié sur le coin de la 10ième avenue et de la 31ième rue sur une palissade en bois balisant un immense chantier de construction. Multiplié ad nauseam sur toute la longueur d’un bloc, l’avertissement invite - à contre-effet évident - l’attention sur une surface au départ résolument uniforme et anodine. Encore plus intriguant est le fait que, à chaque répétition, la même dernière lettre flanche lamentablement … minant ainsi au dernier instant typographique l'impeccable et implacable autorité du message policier. Très fin, l’infiltré !
jeudi 14 mai 2009
A vos plumes !
Le contenu de cette rubrique étant jugé parfois un peu … mmmh … über-cérébral, nous avons décidé de faire, cette fois-ci, dans l’éducatif utile. Carrément. C’est pour votre bien. L’occasion nous en est en effet donnée par cette magnifique planche didactique (ci-contre) œuvrée par le pochoiriste animalier Spencer et exposée rue du Miroir. Référencés côte à côte, comme le seraient les Dupont et Dupond, nous voyons une chouette et un hibou. Deux rapaces de la famille des strigiformes pour lesquels la langue française est une des seules à s’encombrer de deux termes distincts. La chouette n’étant pas (c’est dit une bonne fois pour toute) la femelle du hibou et le hibou n’étant pas (c’est également dit une bonne fois pour toute) le mâle de la chouette, quelles sont donc les différences entre les deux bestioles rapacées ? L’évidence, d’abord : comme on peut le voir sur le chromo mural, le hibou a la face ébouriffée de deux touffes de plumes au-dessus des yeux (les aigrettes) alors que la chouette n’en présente pas (même toute barbouillée au saut du lit) ... Ensuite, si vous collez votre oreille contre - oui, tout contre - le pochoir, vous entendrez que la chouette chuinte alors que le hibou hulule. Enfin, la chouette, comme certains pochoiristes, est active le jour (un peu) et la nuit (beaucoup) alors que le hibou, comme d’autres pochoiristes, est exclusivement nocturne. Et pour être vraiment complet, il faut ajouter qu’il arrive à certaines chouettes, quand elles ont la dalle, de se boulotter quelques (petits) hiboux mais pas l’inverse. Dans la vie, les cousins – cousines affrontent les mêmes problèmes liés à l’utilisation abusive de rodenticides et à la destruction de leur habitat. Bonne nouvelle, cependant, à ce sujet-là : les initiatives se multiplient de par notre beau monde pour fournir à nos drôles d’oiseaux des nichoirs artificiels pourvus de tout le confort moderne … Voilà une belle et généreuse idée qui ne peut que nous réjouir … Pouvons-nous dès lors inviter les promoteurs de ces appartements à s’adjoindre les talents de quelques pochoiristes (sensibles à la cause animale) pour en égayer la décoration ? Nous planchons déjà sur le sujet. En attendant, amis lecteurs, amies lectrices, juste pour voir si vous avez été foutus de retenir quelque chose de cette fiche pédagogique … La chouette de Spencer, est-elle à droite ou à gauche du pochoir ? Et le hibou, est-il à gauche ou à droite du pochoir ? Question subsidiaire : combien de réponses correctes allons-nous recevoir ? Sur ce, bonne nuit à tous (les hiboux) et toutes (les chouettes).
mercredi 6 mai 2009
Don't walk ... Run !
Bon, OK, il n’est pas vraiment illégal, celui-là. Mais il me fait bien marrer chaque fois que je roule dessus ! Pochés à la résine sur le macadam de l’avenue Franklin Roosevelt, le gamin en culottes courtes et sa soeurette à couettes nous signalent le danger d’un passage d’enfants … Pile devant l’entrée principale du campus de l’université libre de Bruxelles. Les traversants post-adolescents apprécieront à sa juste valeur, en fonction de leurs pustules acnéeuses et de leurs budgets vestimentaires, le décalage imposé du panneau A23 ! Tant d’effort pour être rabaissé au statut de môme réglementaire par l’implacable et réductrice codification du code (!) de la route … c’est dur, certes, mais voilà, c’est pour leur bien. La priorité ici est d’inciter les automobilistes à redoubler de prudence face au danger de voir un(e) bizuté(e) ou un bituré(e) surgir de dieu-sait-zou et venir s’aplatir sur leur capot. A bonne raison, d’ailleurs … puisqu’en 2006, un solide 750 piétons se sont faits écrabouillés (dont 11 décédés) en région bruxelloise, la majorité d‘entre eux étant des d’jeunz (33% des graves et des morts avaient moins de 25 ans). Mais pour les zélés chroniqueurs sociétologiques que nous sommes, plus fâcheux encore est la réalisation supplémentaire - second décalage - que le cadre fermé du triangle a pour effet de restreindre sévèrement la latitude de mouvement (l’aisance de gesticulation) de nos (grands) enfants, vivants ou morts. Université libre peut-être mais liberté de se déplacer … un peu nettement moins (dans les lignes, dans les clous). En ceci, la signalétique routière est bien le reflet, le témoin, le rappel de la carceralité urbaine. Tu bouges quand, comment et où on te le dit.
Nous en viendrions presque à jalouser la liberté des cervidés qui, comme dans cette oeuvre du célèbre pochoiriste Spencer (ici auto-photographié par l’artiste à Barcelone) peuvent jumper hors de leur panneau (c’est un matricule A27 pour le gros gibier) pour aller gambader et brouter là où ils veulent. Une liberté qui a peut-être un prix, d’ailleurs … Ainsi, si les étudiants manquent parfois de plomb dans la cervelle (en saison de guindaille), les biches, les cerfs et leurs amis les sangliers, eux, en ont tout aussi parfois trop dans le cul (en saison de chasse). Mais la question est et reste : qui sortira nos bambins (bambins, pas bambis) de leur triangle plat, polymérique et rouge ? S’il était pochoiriste, nous appellerions le détourneur pictogrammique Jérôme Considérant à l’aide. Mais il n’est pas pochoiriste. Alors, qui d’autre ?
Nous en viendrions presque à jalouser la liberté des cervidés qui, comme dans cette oeuvre du célèbre pochoiriste Spencer (ici auto-photographié par l’artiste à Barcelone) peuvent jumper hors de leur panneau (c’est un matricule A27 pour le gros gibier) pour aller gambader et brouter là où ils veulent. Une liberté qui a peut-être un prix, d’ailleurs … Ainsi, si les étudiants manquent parfois de plomb dans la cervelle (en saison de guindaille), les biches, les cerfs et leurs amis les sangliers, eux, en ont tout aussi parfois trop dans le cul (en saison de chasse). Mais la question est et reste : qui sortira nos bambins (bambins, pas bambis) de leur triangle plat, polymérique et rouge ? S’il était pochoiriste, nous appellerions le détourneur pictogrammique Jérôme Considérant à l’aide. Mais il n’est pas pochoiriste. Alors, qui d’autre ?
mardi 28 avril 2009
Finger in ze dust
Vous voyez que dalle sur la photo ci-contre ? Pas la peine de vous dés-orbiter les globes oculaires … C’est pas un pochoir ! Ici, on est sur le hayon arrière de ma bagnole où un graffeur s’est exprimé samedi soir alors que j’étais garé aux abords du Recyclart pour assister au concert de l’ensemble électro-ska-balkan Analogik. Très joli travail d’improvisation au doigt et sans filet sur une fine couche de poussière pollinisée (c’est de saison) à l’invitation / incitation / inspiration visiblement irrésistible pour DEVOR ONE, associé aux co-signatures FIGUE et 2047 (hors-champs). C’est spontané, c’est vivant, c’est beau, c’est urgent … C’est urbain. Et j’avais d’autant plus envie de vous le poster, ce graff de 45 cm2 avec son outline et sa 3D un peu pattée, impossible à photographier avec tous ces #/@*§ de reflets, qu’il représente une combinaison innovante de mobilité (parce qu’une bagnole, ça bouge plus vite qu’un mur) et d’éphémérité (parce que la poussière n’est que poussière) d'un bonheur que l’on souhaite aussi aux pochoirs. Et puis, pour un graffiti tracé dans la crasse d’une vitre qui roule, ce n’est pas l’eau qui tombe ou l’eau qui crache qui le menace le plus … Mais celle, glycérolée, d’un spritch - spritch ! Et c’est là que l’anecdote devient cocasse, et que l’éphémérité de l’audace talentueuse de DEVOR ONE devient « effet mérité », …
Figurez-vous en effet (comme FIGUE peut-être) que le moteur de mon essuie-glace arrière est kaput depuis quelques semaines ! Hasard ou nécessité, et cause - conséquence : en amont de l’acte, la couche de poussière était luxurieusement pristine (un comble pour de la crasse) et, en aval de l’acte, la persistance de l’œuvre en est prolongée jusqu’à l’infini (quasi). En hommage à l’artiste, j’ai - très malhabilement - décalqué le graffiti afin de vous le montrer dans son intégralité. Appréciez, comme moi, ce blaze ami. Jusqu’au prochain car-wash.
Figurez-vous en effet (comme FIGUE peut-être) que le moteur de mon essuie-glace arrière est kaput depuis quelques semaines ! Hasard ou nécessité, et cause - conséquence : en amont de l’acte, la couche de poussière était luxurieusement pristine (un comble pour de la crasse) et, en aval de l’acte, la persistance de l’œuvre en est prolongée jusqu’à l’infini (quasi). En hommage à l’artiste, j’ai - très malhabilement - décalqué le graffiti afin de vous le montrer dans son intégralité. Appréciez, comme moi, ce blaze ami. Jusqu’au prochain car-wash.
mercredi 1 avril 2009
Le vol et le recel, deux fléaux de notre temps ...
Il y a quelques semaines, The Dude Company nous faisait l’honneur d’une nouvelle visite à Bruxelles. Parmi les pochoirs réalisés par le collectif figurait cet impressionnant soubassophoniste (Damon Bryson ?) du groupe The Legendary Roots Crew (aka The Roots), tout en force et en souffle. Le pochoir a été appliqué sur un grand panneau en tôle rouillée au coin de la rue des Chartreux et de la rue du Boulet. Si vous l’avez raté, c’est râpé … Quelqu’un de plutôt costaud et gonflé a démonté le panneau (pourtant riveté balaise à un support grillagé) il y a quelques jours et l’a emporté. Nous avons demandé au boss de la Dude Company ce qu’il pensait de ce rapt : " L'art de rue doit rester dans la rue. En même temps, on ne peut empêcher ce genre de démarche qui, il faut le dire, est plutôt culottée ! Je trouve cette réaction décevante et serais plus heureux d'être contacté pour réaliser une oeuvre chez quelqu'un plutôt qu'on déshabille la ville. J'espère aussi que cela ne sera pas vendu à mon insu, ce qui serait encore plus navrant "
Evidence : plus les pochoirtistes deviennent reconnus et estimés pour leur œuvre publique, plus celle-ci prend de la valeur (mercantile) et est donc convoitée par des collectionneurs privés. Que certains de ces pochoirs se distinguent par leur beauté et/ou leur technicité exceptionnelle n’ajoute rien de bon à notre affaire. Fondamentalement, la question est donc de savoir si l’art de la rue, donné librement, peut être pris tout aussi librement ? L’appartenance d’un pochoir au pluriel (nous tous, préférable à personne) d’un pochoir peut-elle être accaparée au profit d’un singulier (lui seul) ? Les avis restent partagés (au lu des forums) mais une certaine morale - nourrie du respect de la générosité et du talent - devrait normalement prévaloir contre l’envie de recel … Et que le pochoir volé, celui du musicien de The Roots ou un autre, soit ensuite vendu ou non n’est que l’ajout malheureusement habituel de l’injure à l’insulte … Une fois la morale sociale bafouée, tout est permis. Ironiquement, le texte jaillissant du sousaphone (Resist Much, Obey Little) était peut-être une invitation à l’acte illégal au carré … A la rébellion du je-ne-peux-pas-pocher s’en est ensuite ensuit (hum) - en toute logique tordue - la rébellion du je-ne-peux-pas-piquer. Seule solution, alors, pour en finir avec ce vandalisme du vandalisme : que The Dude Company et ses collègues pocheurs arrêtent d’avoir tant de talent et que les supports urbains immobiles cessent d’être mobiles. Et tout rentrera enfin dans l’ordre. Merci d'avance.
Evidence : plus les pochoirtistes deviennent reconnus et estimés pour leur œuvre publique, plus celle-ci prend de la valeur (mercantile) et est donc convoitée par des collectionneurs privés. Que certains de ces pochoirs se distinguent par leur beauté et/ou leur technicité exceptionnelle n’ajoute rien de bon à notre affaire. Fondamentalement, la question est donc de savoir si l’art de la rue, donné librement, peut être pris tout aussi librement ? L’appartenance d’un pochoir au pluriel (nous tous, préférable à personne) d’un pochoir peut-elle être accaparée au profit d’un singulier (lui seul) ? Les avis restent partagés (au lu des forums) mais une certaine morale - nourrie du respect de la générosité et du talent - devrait normalement prévaloir contre l’envie de recel … Et que le pochoir volé, celui du musicien de The Roots ou un autre, soit ensuite vendu ou non n’est que l’ajout malheureusement habituel de l’injure à l’insulte … Une fois la morale sociale bafouée, tout est permis. Ironiquement, le texte jaillissant du sousaphone (Resist Much, Obey Little) était peut-être une invitation à l’acte illégal au carré … A la rébellion du je-ne-peux-pas-pocher s’en est ensuite ensuit (hum) - en toute logique tordue - la rébellion du je-ne-peux-pas-piquer. Seule solution, alors, pour en finir avec ce vandalisme du vandalisme : que The Dude Company et ses collègues pocheurs arrêtent d’avoir tant de talent et que les supports urbains immobiles cessent d’être mobiles. Et tout rentrera enfin dans l’ordre. Merci d'avance.
dimanche 29 mars 2009
Le comics et le movie
Ce que nous retenons de The Watchmen (le movie), c’est que le Dr. Manhattan est bien membré. Ce que nous retenons de The Watchmen (le comics), c’est que le membre bleu-fluo-irisé en question n’a pas vraiment comblé les attentes de la première compagne du bon docteur nucléarisé, Miss Janey Slater . Ce qui fait dire à Bernie, le brave marchand de journaux, qu’il s’en doutait bien que le Dr. Manhattan était « queer as a three-dollar bill » (le comics version US). En l’absence d’information plus précise sur l’élasticité vaginale de Miss Slater, il n’y a pas grand’chose à en dire ... Si ce n’est que - et c'est une remarque générale - nous devrions être plus attentifs et empathifs face aux difficultés sexuelles que rencontrent trop souvent nos super-héros (quelqu’un a-t-il vraiment envie d’être « autour » du zizi de Superman quand celui-ci éjacule ?). Si ce n’est aussi que des baffes risquent de se perdre chez Panini Comics, leur traducteur nous ayant fait le coup du « pédé comme un phoque » (le comics version FR). L’expression correcte est bien entendu « pédé comme un foc », le FOC, la voile du voilier, celle qui se prend la brise par derrière quand le rafiot vire (de bord), pas le mignon mammifère qui se ramasse des coups de batte dans la gueule chaque fois qu’une petite chérie de luxe émet le désir d’une nouvelle pelisse. Les phoques (straights et gays unis) en ont plein le cul ( !) de cette confusion nautique … Les fox-terriers (straights et gays unis) aussi d’ailleurs, car certains malveillants les confondent également avec le triangle toileux. Passons. Maintenant que c’est dit, pourquoi ne pas finir ce billet par une note amusante ?
Plus visible dans The Watchmen (le comics) que dans The Watchmen (le movie), on voit que les rues émeutées de la ville de nos héros costumés sont égaillées d’inspirés bombeurs qui non seulement y dessinent des hyperboliques « Who Watches the Watchmen » tout partout, mais aussi des pochoirs de silhouettes humaines enlacées qui nous rappellent notre … notre … ouiiii, Monzon ! A titre d’illustration, voici d’ailleurs (là en haut) une photographie tirée de la collection de l’historien José Lodewick montrant un des couples amoureux (et autobiographiques) de Monzon. A comparer avec une des oeuvres romantiques du street crew de Derf (image, ici en bas, liftée du bouquin hyper-copyrighté mais c’est pour une étude scientifique, donc on peut). Alors, ze question, maintenant, Dave Gibbons a-t-il plagié Monzon ?
Plus visible dans The Watchmen (le comics) que dans The Watchmen (le movie), on voit que les rues émeutées de la ville de nos héros costumés sont égaillées d’inspirés bombeurs qui non seulement y dessinent des hyperboliques « Who Watches the Watchmen » tout partout, mais aussi des pochoirs de silhouettes humaines enlacées qui nous rappellent notre … notre … ouiiii, Monzon ! A titre d’illustration, voici d’ailleurs (là en haut) une photographie tirée de la collection de l’historien José Lodewick montrant un des couples amoureux (et autobiographiques) de Monzon. A comparer avec une des oeuvres romantiques du street crew de Derf (image, ici en bas, liftée du bouquin hyper-copyrighté mais c’est pour une étude scientifique, donc on peut). Alors, ze question, maintenant, Dave Gibbons a-t-il plagié Monzon ?
dimanche 22 mars 2009
Restez groupir !
Les pochoirs s’affichent en solitaire ou en groupe. Leur clustérisation murale peut être due au fait que plusieurs pochoiristes se soient commis en une virée collective ou que ceux-ci se soient succédés en un même lieu par hasard, hommage ou sympathie. Bel effet amplificateur de la proclamation du droit d’expression (et du droit de résurrection de lieux urbains en difficulté létale) lorsque plusieurs artistes joignent leurs talents artistiques en un composite complice, quelle qu'en soit la raison. Le déambulateur aventureux et chanceux peut trouver de nombreux clusters de pochoirs dans notre bonne ville de Bruxelles. On pointera ainsi, et pour l’exemple, des endroits aussi épars que le quai du Chantier près du canal, la rue Gray proche de Flagey et la rue Saint-Ghislain dans les Marolles. Mais la grappe pocheuse est encore plus attrayante à cueillir quand les motifs qui la composent - au lieu de simplement se côtoyer - semblent interagir entre eux … A ce critère, le cluster le plus « tof » du moment est un très récent assemblage (illustré ci-contre) visible sur un mur de la rue du Chien Marin, un calme et charmant passage piétonnier donnant sur la place de l’ancien port de mer de Bruxelles. Là, le David Lynch de Dude Company semble contempler le Pigeon au Boulet de Spencer qui semble observer la Betty Page de vgt qui semble raidie d’un sentiment d’effroi à la vue d’un laid petit machin noir et blanc qui … Mais qu’est-ce que c’est que ce truc … Vois pas bien, il faudrait zoomer et … Flûte, plus de place sur la carte mémoire de l’appareil photographique … Faudra revenir voir une autre fois !
dimanche 1 mars 2009
Oblitération muricide
Le Gray Ghost, vous connaissez ? Oui … Non ? Mouais … Bon, je résume : Au doux et radieux pays d’oncle Obama sévissent des hurluberlus excités qu’on appelle « activistes anti-graffiti ». L'hurluberlu le plus excité parmi ces hurluberlus excités est sans conteste le Gray Ghost, aka Fred Radtke. Sa noble (et néanmoins fallacieuse) mission sur terre est de pourfendre les pirates des murs. Parce que, voyez-vous, braves et bonnes gens, si nous laissons se commettre un acte de street art aujourd’hui, c’est la promesse d’un trafic de came demain et l’assurance d’un meurtre le jour d’après ! Alors, armé de son rouleau et de son pot de peinture grise (forcément) et fort de sa légitimité auto-octroyée, le vigile sillonne et neutralise les rues des villes américaines de son implacable tolérance zéro. Question : Avons-nous des disciples du Gray Ghost à Bruxelles ? Réponse : Le récent recouvrement de plusieurs murs jadis riches en pochoirs dans notre capitale laisse à penser que, oui, nous avons du souci à nous faire. Voyez par exemple la rue de l’Eclipse dont un bout est illustré ci-dessus … Ce charmant passage du quartier Saint-Géry était naguère orné de superbes pochoirs, dont un fier majeur rouge marqué TDC et un gracieux logo du Glitz Club. Figurait aussi le pochoir qui fût le sujet de notre toute première chronique. La vie murale y est à présent éteinte, anéantie, éradiquée, napalmisée, génocidée sur plusieurs mètres carrés … Disparues, les traces vitales et les marques géniales. En lieu et place : le rien tout vide et froid d’alcôves désertes. Femmes, enfants et vieillards peuvent (certes et peut-être) à nouveau se promener en toute sécurité sur ce tronçon de trottoir débarassé de vilaine agression pochiste ... Au prix exorbitant d’un mur propre, net, sinistre, stérile et parfaitement mort. Mais courage, amis et amies ! Malgré notre désarroi et notre doute, l’espoir de la vitalité urbaine, enfoui sous les couches de peinture, demeure heureusement intact … Regardez ... Chez les ricains, le fantomatique Gégé (Gray Ghost de mes deux) s’est fait récemment pincé par les flics pour avoir recouvert un graffiti … commissionné ! Pseudo-justicier et vrai vandale au cachot ... Il y a donc bien un juste ordre des choses outre-atlantique, que nous souhaitons de tout cœur voir appliqué chez nous aussi. Et vite. Pour que cessent enfin et pour toujours les crimes contre la muralité vivante.
dimanche 8 février 2009
Question 39 : Réponse 4
Le pochécriteau, associé à la signature d’ECOLOGIC, avait été rédigé sur le flanc d’une casemate en béton sise chaussée de Waterloo, à quelques pas de la frontière régionale de Bruxelles-Capitale. Appliqué sur un fond argenté de six mètres-carrés, le texte géant était une interpellation affirmative et magistrale. Mais l’usure du temps qui passe et du temps qui pleut n’aura pas eu l’occasion d’en tanner la scintillante politique … Le repassage a en effet été vandale et radical … Le graff oblitère à présent la quasi totalité du texte, l’image sur-contourée valant sans doute mille mots stencilés. La superposition semble cruelle et l’on râle …
Mais, au-delà de l’indignation initiale, le promeneur se rend compte qu’il y a une relation surprenante à découvrir entre le recouvert (en fait, oui, pour qui au juste bossent-ils, nos sacrés politiciens ?) et le recouvrant (ben, pour les banques, pardi, et à coup de milliards d’euros, ces derniers temps). La question est éphémère comme le pochoir, la réponse est éternelle comme l’évidence. Le blaze aux quatres lettres réglementaires ricoche ainsi entre les banques à trois (ing, kbc), à cinq (dexia) ou à six (fortis) sur un champs de trente-neuf lettres noires sur fond d’argent (d’argent !). On ne pourrait mieux « dire » ce que la collision murale suggère à l’orée de la forêt de Soignes … Curieux d’ailleurs que le seul mot encore lisible du pochécriteau soit l’anagramme de « Son », une dimension sensorielle qu’il faudrait ajouter au duo texte + image pour que le message soit complet. Un peu comme une carte de circonstance qui produit une petite mélodie quand on l’ouvre. Alors, à quand les pochoirs politiques chantants ? Battons-en déjà la mesure : un, deux, trois, quatre …
Mais, au-delà de l’indignation initiale, le promeneur se rend compte qu’il y a une relation surprenante à découvrir entre le recouvert (en fait, oui, pour qui au juste bossent-ils, nos sacrés politiciens ?) et le recouvrant (ben, pour les banques, pardi, et à coup de milliards d’euros, ces derniers temps). La question est éphémère comme le pochoir, la réponse est éternelle comme l’évidence. Le blaze aux quatres lettres réglementaires ricoche ainsi entre les banques à trois (ing, kbc), à cinq (dexia) ou à six (fortis) sur un champs de trente-neuf lettres noires sur fond d’argent (d’argent !). On ne pourrait mieux « dire » ce que la collision murale suggère à l’orée de la forêt de Soignes … Curieux d’ailleurs que le seul mot encore lisible du pochécriteau soit l’anagramme de « Son », une dimension sensorielle qu’il faudrait ajouter au duo texte + image pour que le message soit complet. Un peu comme une carte de circonstance qui produit une petite mélodie quand on l’ouvre. Alors, à quand les pochoirs politiques chantants ? Battons-en déjà la mesure : un, deux, trois, quatre …
samedi 31 janvier 2009
Sous le pochoir, l'uniforme ?
Il est là, pile devant vous, quand vous descendez les marches du centre sportif d’Auderghem, poché sur la rampe en béton qui finit la chaussée de Wavre et lance enfin le viaduc vers l’autoroute E411. Situation incongrue car il n’y a pratiquement (et bizarrement) aucune activité d’art urbain à cet endroit, les fresques commissionnées du boulevard du Souverain s’étant en effet arrêtées bien des traverses en amont … Application incongrue parce que le pochoir a été exécuté en deux versions, un négatif et un positif … précédées elles-mêmes sur leur gauche par deux essais partiels et ratés. Sujet incongru aussi car le portrait illustré est celui d’un officier allemand de la seconde guerre mondiale. Pas le brave gendarme de l’émission Contact ou le flic de quartier rondouillard et sociable … Non non, un vrai et distinct nazi, le doigt bien menaçant ! Alors, on se gratte la tête sur la raison de cette proximité … Nazisme et sport … Mouais, il y a bien les jeux olympiques à Berlin en 1934 que l’ami Adolf récupéra pour faire la propagande de sa race aryenne toute en yeux bleus, cheveux blonds et muscles roses. On peut aussi imaginer un jeune gaillard un peu artiste et réglant ses comptes à coup de pochoir avec un arbitre ou un juge borderline trop sévère lors d’une compétition sportive … Rien de bien convaincant, cependant … Le lien est peut-être ailleurs, dans ce qui a précisément rendu le portrait si reconnaissable : l’uniforme.
Moyen inventé naguère pour distinguer les civils des soldats et les soldats du bon côté de ceux du mauvais côté, l’uniforme est devenu un signe-code puissant de notre société. Tradition, discipline, honneur, respect mais aussi égalité (tout le monde looks le same en uniforme … surtout les aryens) et appartenance sécurisante à un groupe, le nombre de signifiants socio-culturels (et sexuels) associés à l’uniforme est follement dingue. Et l’effet de code est encore sur-amplifié jusqu’au dégoût chez les copains d’Adolf … On y ajoute la torture, l’horreur, l’extermination. Regardez-le, notre officier poché, éructant et harang(u)ant dans son fringant uniforme Hugo Boss … (silence) … Ben, oui, Hugo Boss … Membre notoire du Parti Nazi dès 1931 (un précoce !) c’est lui qui créa et confectionna les uniformes des officiers de la Schutzstaffel et de la Wehrmacht de 1932 à 1945 … (silence gêné) … Saviez pas ? Et comme notre Hugo Boss de maintenant a une ligne-signature de vêtements de sport à son nom, tout colle. Alors, le pochoiriste qui récupère l’imagerie symbolique nazie dans son maraudage graphique se trimballe-t-il en costard Hugo Boss le jour et en training Hugo Boss la nuit ? Qui sait … Moi,en tout cas, je m’en tiens à mon sent-bon du moment (XY de Hugo Boss) et j’espère ne jamais trouver d’autres pochoirs de ce genre dans les rues de Bruxelles. Parce que si la technique du pochoir permet sa répétition uniforme, la répétition des uniformes par le pochoir nous donnerait un p'tit coup d'extrême-droite plutôt malvenu. En positif comme en négatif.
Moyen inventé naguère pour distinguer les civils des soldats et les soldats du bon côté de ceux du mauvais côté, l’uniforme est devenu un signe-code puissant de notre société. Tradition, discipline, honneur, respect mais aussi égalité (tout le monde looks le same en uniforme … surtout les aryens) et appartenance sécurisante à un groupe, le nombre de signifiants socio-culturels (et sexuels) associés à l’uniforme est follement dingue. Et l’effet de code est encore sur-amplifié jusqu’au dégoût chez les copains d’Adolf … On y ajoute la torture, l’horreur, l’extermination. Regardez-le, notre officier poché, éructant et harang(u)ant dans son fringant uniforme Hugo Boss … (silence) … Ben, oui, Hugo Boss … Membre notoire du Parti Nazi dès 1931 (un précoce !) c’est lui qui créa et confectionna les uniformes des officiers de la Schutzstaffel et de la Wehrmacht de 1932 à 1945 … (silence gêné) … Saviez pas ? Et comme notre Hugo Boss de maintenant a une ligne-signature de vêtements de sport à son nom, tout colle. Alors, le pochoiriste qui récupère l’imagerie symbolique nazie dans son maraudage graphique se trimballe-t-il en costard Hugo Boss le jour et en training Hugo Boss la nuit ? Qui sait … Moi,en tout cas, je m’en tiens à mon sent-bon du moment (XY de Hugo Boss) et j’espère ne jamais trouver d’autres pochoirs de ce genre dans les rues de Bruxelles. Parce que si la technique du pochoir permet sa répétition uniforme, la répétition des uniformes par le pochoir nous donnerait un p'tit coup d'extrême-droite plutôt malvenu. En positif comme en négatif.
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